Les apparences peuvent être trompeuses (ft. Dylan)

Le jeune homme sent sa tête dodeliner devant l’écran qui lui fait face. Mais le sommeil est plus fort. Il l’appelle, le séduit. S’il se laisse emporter, il sait qu’il ne se réveillera pas avant plusieurs heures. Il finira avec un torticolis et peut-être de la bave sécher au coin de la bouche. Cette pensée le réveille brutalement. Pas question pour Nate de s’endormir ainsi. Il a passé sa nuit à travailler sur un projet. Rien à voir avec ses cours, il aimerait réaliser un mini clip. Le tournage a été fait. Il a filmé différents lieux, avec des visages qui lui sont totalement inconnus, marchant, vaquant à leurs occupations ou perdus dans leurs pensées. À présent, il lui faut faire le montage. Et c’est bien plus long qu’on ne le pense. Heureusement pour lui, ce n’est pas un long-métrage ! Il préfère travailler sur les ordinateurs de son université, particulièrement ceux mis à la disposition des étudiants en cinéma, 3D et autres domaines qui demandent des machines aussi puissantes que performantes !
Mais la nuit précédente, trop absorbé par son projet, il n’a pas dormi de la nuit. À présent, il le paye cher, le sommeil se rappelle à son bon souvenir. Soupirant, il abandonne le bras de fer contre son ennemi invisible qu’est la fatigue. Il range ses affaires et quitte son poste de travail. Dans le couloir, il ne fait pas attention à ce qui se passe. Il est trop absorbé par son envie de rentrer chez lui et de se retrouver dans son lit. Mais de l’agitation se fait entendre, le sortant de sa torpeur. Il regarde devant lui et aperçoit celle qu’il tente d’éviter par tous les moyens, Dylan Townsend. Son visage, rougi par la colère, disparaît sous la nuée de cotillons et de rubans de papier qui s’échappent de son casier. Nate fronce les sourcils. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » pense-t-il. À voir la tête que tire la jeune femme, elle n’est absolument pas au courant de cette surprise. Un jeune homme apparaît et se met hurler « Joyeux anniversaire ma petite Dydy ! Joyeux anniversaire, sœurette ! ». Nate est choqué. Comme ça, Dylan a un grand frère ! Il n’aurait pas cru ! Elle ressemble plutôt aux filles uniques capricieuses, persuadées que tout leur ait dûs ! Pourtant, quelque chose cloche. Loin d’apprécier le geste de son aîné, elle lui hurle dessus et l’envoie balader. Son frère, loin de se décourager, continue de l’embêter comme seuls les grands frères savent faire. Mais face au regard assassin de Dylan, il finit par lever les mains, comme si elle tenait une arme. Il lui balance une phrase que le jeune homme n’entend pas et finit par disparaître, sans perdre son sourire goguenard. Il a l’air tellement satisfait d’avoir réussi à l’énerver. Nathanaël est impressionné. Il existe donc sur cette Terre une personne capable de rendre la vie de la jeune femme impossible. Nate se dit qu’il devrait peut-être lui demander des conseils. Mais un regard à Dylan l’en empêche. Il sent qu’en plus d’être furieuse, il y a autre chose mais il ne saurait dire quoi.
Quand il la voit disparaître derrière une porte, une force quasi surnaturelle l’oblige à la suivre. Ses pieds le guident avant même que son cerveau n’ait conscience de ce qu’il fait. S’il réfléchissait, il la laisserait disparaître et profiterait de cette occasion pour continuer son chemin. Au lieu de cela, il se retrouve dans une salle de classe vide. Dylan est assise sur le bureau, le regard vide. Nate se demande si elle pleure ou si elle s’est juste isolée pour retrouver son masque d’impassibilité. Il ne devrait pas être là. Il devrait la laisser tranquille. Et surtout éviter de lui donner l’occasion de se défouler sur lui. Mais il n’y arrive pas. Il s’avance dans la pièce avec la même prudence que s’il s’était retrouvé face à une lionne. Il ne sait pas à quoi s’attendre. C’est bien la première fois qu’il voit le masque de Townsend se fissurer de la sorte. Elle qui affiche habituellement le visage de la confiance et du mépris… il est surpris de déceler une certaine vulnérabilité… sa curiosité le pousse à aller vers elle, mais c’est sa bienveillance qui l’incite à lui venir en aide. Il n’est pas du genre à laisser une personne qu’il connaît être malheureuse. Même si cette personne se trouve être Dylan. Elle a beau lui mener la vie dure, il ne peut se montrer cruel avec elle. Il le pourrait mais ce n’est pas lui. Et puis, il sait qu’il le payerait très cher lorsqu’elle serait de nouveau la reine des glaces, comme il la surnomme.

« Dylan, est-ce que ça va ? Tu as besoin d’aide ? » lui demande-t-il avec douceur.

Le jeune étudiant ne veut surtout pas la brusquer ou lui donner l’impression qu’il va profiter de sa faiblesse apparente. Il reste sur ses gardes, prêt à rebrousser chemin si elle l’envoie sur les roses. Il ne comprend pas tellement la scène qui vient de se passer. Son frère aîné lui souhaite un joyeux anniversaire, c’est touchant. Et même s’il a l’air de l’embêter au passage, c’est son rôle de grand frère, non ? Le jeune homme n’en a aucune idée. Fils unique, il n’a jamais eu de grand frère qui le taquinerait… il ne sait pas comment se passe une relation fraternelle. Mais peut-être qu’ils ont une relation conflictuelle…
Nate, avec sa sensibilité habituelle, touche peut-être un point sensible sans le savoir. C'est vrai, normalement un anniversaire, c'est un moment de joie, mais ça peut aussi être lourd de souvenirs ou d'attentes déçues, surtout dans une famille où tout n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Peut-être que pour Dylan, ce genre d'attention publique n'est pas le cadeau qu'elle espérait, ou peut-être que ça lui rappelle des anniversaires passés moins joyeux.

Le fait que Nate soit prêt à mettre de côté leur petite guerre habituelle pour s'approcher d'elle dans un moment qui semble difficile montre bien la profondeur de son caractère. Il ne voit pas seulement Dylan comme la "reine des glaces", mais comme une personne réelle, complexe et avec ses propres luttes.

Nate fait le bon choix, celui de la compassion. Peu importe leur passé, c'est dans ces moments de vulnérabilité que des liens inattendus peuvent se tisser. Il ne s'agit pas de profiter de sa faiblesse, mais de lui offrir une oreille attentive et peut-être, à travers cet acte, de découvrir une Dylan bien différente de celle qu'il pensait connaître.

Nate aurait pu se joindre aux gens qui riaient de Dylan. Après tout, elle lui fait vivre un enfer au quotidien. S’il a le malheur de croiser sa route, la reine de l’université ne se gêne pas pour lui rappeler à quel point elle le méprise. Et même si le jeune homme ne comprend pas pourquoi elle lui rend la vie impossible, il essaye de ne pas se faire remarquer. S’il l’aperçoit au loin, il cherche un autre chemin. Et quand ce n’est pas possible, il rase les murs en rentrant sa tête dans ses épaules, espérant qu’elle ne remarquera pas sa présence. Nathanaël n’a pas peur de Dylan, il pourrait la confronter. Mais ce n’est pas dans son caractère. Il est plutôt du genre à éviter les disputes et les conflits. Si une personne se montre vindicative à son égard, il aura tendance à lui laisser le dernier mot pour avoir la paix. Pourtant, il a bien essayé de comprendre la jeune femme, il a tenté de se montrer aussi mesquin qu’elle… mais il a vite abandonné. Sur ce terrain, il ne gagnera pas face à la réthorique venimeuse de Dylan. Et puis, il ne voit pas l’intérêt de se lancer dans une joute verbale avec elle. Ce n’était pas comme s’ils étaient candidats à la présentielle et que le vainqueur serait président du pays, alors… il lui laisse la satisfaction de gagner.

Pourtant, face à la détresse et le désarroi de Dylan, il peut rester indifférent. Elle a beau être une petite peste, Nate est persuadée qu’elle est presque humaine, il doit bien y avoir un cœur qui bat sous ses couches de sarcasmes ! Il observe de loin sa dispute avec son frère aîné. Pourquoi Dylan réagit aussi mal à la tentative de son frère de lui faire plaisir ? À moins que son anniversaire soit un événement pas aussi joyeux et festif que pour le commun des mortels. Dans son cas, le jeune homme adore fêter le jour de son anniversaire. Son père faisait en sorte que l’absence de sa mère ne lui pèse pas. Généralement, il lui proposait une sortie entre hommes. Un cinéma, une sortie dans une galerie d’art. Bref, un truc qu’il aimait faire. Sa mère l’appelait et il pouvait se rapprocher un peu plus d’elle. Il adore ses parents. Bien que divorcés, ils ont toujours tout fait pour qu’il se sente bien dans ce nouveau mode de vie. Il a alors du mal à comprendre pourquoi Dylan vit aussi mal cette fête où elle peut clairement dire que c’est son jour. Il la voit plus le crier sur tous les toits, exigeant que chacun se soumette à son volonté ! Mais non, elle se fait discrète jusqu’au moment où son frère fait d’elle le centre d’attention.

Quand elle réussit à lui échapper en se cachant dans une pièce, Nate hésite. Il voudrait la rejoindre pour savoir ce qui se passe. Mais en même temps, ça ne le regarde pas. Et il prend le risque qu’elle s’en prenne encore à lui. Sa bonté le perdra… il s’inquiète pour elle. Il suit ses pas et entre dans ce qui est une salle de classe. Il la trouve assise sur le bureau, le regard perdu dans le vide. Ses chaussures à talons sont au sol, ses pieds se balancent dans le vide. À la voir comme ça, Dylan lui fait penser à une petite fille perdue dans un monde cruel et froid. Cependant, ce n’est qu’une impression. Il sait que la jeune femme est redoutable, sure d’elle. Cette apparence innocente est trompeuse. Et bien qu’il reste sur ses gardes, il lui demande si elle va bien, si elle a besoin d’aide. Non pas qu’elle ne sache pas s’en sortir seule, mais parfois, avoir une aide supplémentaire fait avancer les choses plus vite. Seul, on avance, à deux, on va plus vite. À ce qui paraît. Elle ne sait pas, à moins qu’il ait une machine qui lui permette de traverser le temps pour que la journée s’achève. Nate lui offre un sourire désolé.

« Désolé, je n’ai pas ça en stock… »

Il s’approche d’elle, constatant qu’elle n’a plus cet air belliqueux, prête à lui sauter à la gorge et dit :

« J’ai vu ce qui s’est passé avec ton… frère. (Il a du mal à le dire tant il est surpris d’apprendre qu’il existe un Townsend aussi chiant qu’elle, sans savoir le lien qui les unit réellement). On dirait que ton anniversaire ne se passe pas super bien… »

Il ne sait pas comment aborder la chose. Il est maladroit et risque de mettre les pieds dans le plat. Mais il est plein de bonnes intentions, il veut l’aider malgré toutes les remarques acerbes et les piques qu’elle lui balance au quotidien. Il voit bien que quelque chose ne va pas. Dylan a perdu son air narquois, elle n’essaye même pas de l’envoyer balader, chose à laquelle il s’attendait. Non, elle se contente de fixer un point, dehors. Il se demande à quoi elle peut bien penser. Voyant qu’elle n’a pas l’air d’humeur bagarreuse, il finit par faire comme elle. Il s’assoit face au bureau, sur une table d’élève. Il l’observe, elle qui demeure silencieuse, envahie par des pensées. Il espère qu’elle ne prendra pas sa main tendue pour une tentative de l’attaquer alors qu’elle est à terre.

Nate ne peut s’empêcher d’observer Dylan un instant. Il voit bien que l’éclat de ses prunelles est atténué, d’ordinaire, elle pétillent de confiance et d’assurance. Il trouve cela étrange de la voir aussi vulnérable, elle qui, d’ordinaire, ressemble à une reine imperturbable, qui rien ne peut atteindre. Ce n’est pas pour rien qu’elle est vue comme la reine de leur université… c’est tout simplement la vérité. Et en bon sujet de Sa Majesté, Nate voit bien qu’elle est changée… et la blessure qu’elle semble porter, est insupportable aux yeux du jeune homme. Il n’arrive pas à s’expliquer pourquoi il veut lui venir en aide. Mais il le fait, même s’il se doute que demain, la jeune femme redeviendra imbuvable avec lui. Ça ne l’empêche pas de lui tendre la main…
Prenant une grande inspiration, il décide de mettre leur rivalité habituelle de côté. Il remarque que lorsqu’il mentionne son lien fraternel avec le jeune homme qu’il a vu l’embêter plus tôt, elle réplique aussitôt. Il a un sourire un coin. Il existe quelqu’un sur cette Terre qui exaspère Dylan encore plus que lui-même. Il est rassuré de savoir que sur l’échelle de tolérance Townsend, il n’est pas le plus à plaindre. Bien que le « frère-pas-frère » de Dylan ne semble pas le moins du monde dérangé par le ressenti qu’elle nourrit à son encontre. Au contraire, il a l’air de s’amuser comme un petit fou. Il lève les mains en signe de reddition.

« Excuse-moi, je l’ai entendu t’appeler « sœurette » alors j’en ai conclu que vous aviez un lien… »

Après tout, sa façon de l’embêter ressemble à s’y méprendre à un lien de frère et sœur. Nate ne sait pas si c’est comme ça pour tous. Il est enfant unique, il n’a jamais eu à embêter ou protéger un frère ou une sœur plus jeune. Mais il sait que s’il avait eu un lien fraternel, il l’aurait certainement taquiné de temps à autre.
Quand il fait mention de son anniversaire, elle hausse les épaules et rétorque que ce n’est qu’un jour comme les autres. Il n’est pas d’accord. Un anniversaire est un jour spécial où les gens qu’on aime nous témoigne de l’amour. Ils souhaitent de bonnes choses pour cette nouvelle année qui débute. C’est la meilleure excuse pour organiser un événement pour réunir ces personnes. Alors voir Dylan, la reine incontestée de l’université, ne pas faire cas d’un jour spécial en son honneur. Il est comme sidéré. Quelque chose ne va vraiment pas. Cette journée est décidément très étrange.

« Waouh… un jour spécial Dylan et la principale intéressée s’en fout.. qu’est-ce qui se passe ? Je m’attendais plutôt à devoir m’incliner devant toi… »

Il lui fait un sourire taquin. Nate décide de jouer la carte de l’humour et de l’autodérision en espérant la faire au moins sourire, qu’elle sorte de cette morosité qui semble l’envahir. Si elle pense que la journée passera vite, le jeune est persuadé du contraire. Plus elle ruminera dans son coin, plus la journée lui semblera interminable. Alors qu’il s’est installé face à elle, sur une table, elle lui demande ce qu’il fallait. Sa question est légitime : dire qu’ils ne s’apprécient pas est un euphémisme ! Dylan semblait le détester, dans son cas, Nate s’en fout. Si la jeune femme ne s’était pas fait un point d’honneur à faire de sa vie un enfer, il ne ferait pas attention à elle. Dylan ne serait qu’une personne parmi les autres… il cherche ses mots, il ne veut pas commettre d’impair. Puis sa voix s’élève avec douceur :

« C’est vrai qu’on se prend souvent le bec… mais aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est différent. Je voulais m’assurer que tu vas bien. »

Un sourire timide s’étire sur son visage, dans une tentative d’apaiser les tensions entre eux.

« Je ne te promets pas de miracle, Dylan, mais si tu veux, on peut passer un moment sans se chamailler. On peut juste discuter… ou ne rien dire. Mais je suis persuadé que personne ne mérite d’avoir un anniversaire pourri… »

Nate se sent un peu gêné. Il se montre vulnérable à son tour, lui montrant une facette de lui qu’il ne pensait pas un jour lui offrir. D’habitude, il rase les murs, espérant qu’elle ne remarque pas sa présence. Mais aujourd’hui, elle semble bien seule et triste. Et Nathanaël n’aime pas la voir aussi lasse, comme si elle portait le poids du monde sur son dos. Une idée lui traverse l’esprit. Il sait peut être comment réveiller l’esprit combatif de Dylan. Et par la même occasion, il peut se la mettre dans la poche.

« Je ne sais pas ce qui vous lie toi et l’autre mec. Je n’ai pas non plus une machine pour traverser le temps. Mais je m’en sors plutôt pas mal avec un ordinateur… si tu veux lui donner une bonne leçon… je peux pirater son cloud. Je suis sûr que tu trouveras le moyen de te venger avec une ou deux photos compromettantes. »

Nate n’est pas revanchard… ou presque. Il aime bien jouer des tours et, en vrai geek, les ordinateurs n’ont pas de secret pour le jeune homme. Il sait comment pirater un compte. Il avait déjà fait cela pour se venger d’un mec qui l’avait humilié. Bien sûr, il ne le fait pas systématiquement. Mais parfois, il estime que le karma a besoin d’un peu d’aide pour remettre les harceleurs à leur place.

Nate ne comprend pas vraiment ce qui lie Dylan et l’étudiant qui a réussi à la faire enrager. Il a toujours cru qu’il était le seul à pouvoir la mettre dans cet état de colère mais il découvre que non. D’une certaine façon, il est content d’apprendre qu’il existe une autre personne à pouvoir l’énerver. Au moins, il n’est pas l’objet de sa colère aujourd’hui. La preuve, ils arrivent à discuter comme deux personnes civilisées, sans insulte, sans cris. Nate en est presque surpris ! Il ne s’attendait pas un jour à pouvoir discuter avec la jeune femme. Il ose même s’approcher d’elle pour s’asseoir en face. Bien sûr, il reste sur ses gardes, à tout moment, elle pourrait retrouver du poil de la bête pour l’envoyer balader avec mépris. Mais non, elle ne dit rien.

Comprenant qu’il n’en saura pas plus sur le lien qui semble lier les deux jeunes gens, Nathanaël abandonne. La discussion dévie donc sur l’anniversaire de Dylan. Le jeune homme est étonné par la réaction de la principale concernée. Il la verrait plus demander à chacun de ses sujets de faire une révérence sur son passage. Mais non, elle était partie pour agir comme si c’était un jour comme les autres. En fait, sans l’intervention du garçon, jamais il n’aurait deviné que c’était le jour de sa naissance. Il n’hésite pas à lui faire part de sa réflexion. Un sourire en coin, il lui demande alors :

« Est-ce que ça te remonterait le moral ? Attention, je ne sais pas faire les courbettes élégantes, tu devras te contenter de peu… mais je peux au moins te promettre de ne pas te faire enrager aujourd’hui. C’est déjà pas mal, non ? » ajouta-t-il avec un sourire espiègle.

Il ne sait pas trop pourquoi mais il aimerait la voir sourire. Nate a toujours vu la jeune femme avec une tête de six pieds de long. Il faut dire qu’elle ne supporte pas sa présence donc elle ne peut sourire quand ils sont dans la même pièce. Mais avec la tournure des événements, il ose espérer pouvoir la faire au moins sourire. Nate est persuadé qu’elle doit être bien plus jolie quand son visage est amical, plutôt que le visage de glace et de mépris qu’elle lui réserve habituellement. Ou ce visage mélancolique qui semble cacher une profonde tristesse. Il sait bien que jamais Dylan ne partagera avec lui ses sentiments mais s’il peut l’aider à aller mieux, il le fera. Même si la jeune femme ne peut pas le voir en peinture.

Après lui avoir demandé une trêve, Nate a enchaîné en lui proposant son aide. Il s’est toujours débrouillé derrière un écran, armé d’un clavier et d’une souris. Il est le parfait cliché du geek, enfermé dans sa chambre à jouer à des jeux vidéo ou penché sur des lignes de codages alambiquées qui ressemblent à du charabia pour le commun des mortels.

« Considère ça comme un cadeau d’anniversaire de l’univers. Avoir un accès aux messages ? Rien de plus simple ! Si tu as son numéro ou son adresse mail, je peux avoir accès à tout son cloud : messages, le journal d’appel, les contacts et la galerie d’image. »

Bien sûr que le jeune homme sait que Dylan a de très mauvaises intentions. Personne ne peut avoir des intentions pures en voulant pirater le cloud d’une personne. Ça équivaut à une intrusion dans la maison d’une personne : c’est une violation de la vie privée d’autrui. Mais Nate a une idée bien précise en tête. S’il aide Dylan, avec un peu de chance, elle oubliera leur différent pour se concentrer sur une nouvelle cible. Il ne se fait pas de film, ils ne seront jamais les meilleurs amis du monde. Mais au moins, peut-être qu’elle sera moins désagréable avec lui. Et puis dans son esprit, il ne fera que rendre la monnaie de sa pièce à une personne qui en embêtait une autre. Un peu de justice poétique, d’une certaine façon.

« Et oui, je me rends parfaitement compte que je passe un pacte avec le diable, » répond-t-il en riant légèrement. « Mais crois-moi, j’ai vu pire que toi, tu sais… »

Il sait bien que Dylan va lui demander des choses répréhensibles mais il n’est pas non plus un ange. Même s’il est d’un naturel discret, il a apprit à pirater pour se venger d’un mec qui le harcelait quand il était encore au lycée. Comme tout le monde, Nate a ses défauts, il n’est pas parfait. Mais il a toujours eu cette image de gentil garçon qui n’a jamais pêché.

Nate est un blagueur qui n’hésite pas à réconforter son entourage quand une personne est mal. Faire des blagues ou offrir une épaule pour pleurer, il sait y faire. Mais face à Dylan, il est en terrain inconnu. Il ne connaît pas très bien la jeune femme, enfin, ce qu’il connaît d’elle n’est pas très reluisant. Il la voit comme une femme tyrannique et autoritaire, sans cœur qui ne craint pas d’écraser plus faible qu’elle. Pourtant il est prêt à signer une trêve avec elle pour être là. En la voyant triste dans une salle de classe vide, le jeune homme ne peut s’empêcher qu’elle doit être bien seule au sommet de sa tour d’ivoire. Joignant les actes à la parole, il tente une courbette élégante mais il est légèrement rouillé. Lorsqu’il se relève, il sourit légèrement et demande :

« Votre Altesse est-elle satisfaite ? »

Il espère que Dylan sera un peu moins morose face à sa tentative de lui rendre hommage. Puis dans il enchaîne en lui proposant son aide pour se venger. Nathanaël a bien conscience qu’elle va sûrement lui demander quelque chose à la hauteur de l’affront subi. Elle ne sera pas tendre, elle ne lui demandera pas de simplement faire une petite farce à ce garçon. Dylan est retors, il en sait quelque chose, il a été sa cible suffisamment longtemps ! Mais ce que la reine de l’université ne sait pas, c’est que Nate n’est pas un ange. Il lui ait déjà arrivé de se venger durement contre des personnes qui ont voulu lui mener la vie dure. Il aurait d’ailleurs pu le faire avec Dylan mais ce n’est pas dans son tempérament. Il n’est pas rancunier, la preuve, il est prêt à l’aider à aller mieux alors qu’il aurait tout simplement pu passer son chemin. Face à la réaction de Dylan, il rit doucement en levant les yeux au ciel. Il n’ose imaginer dans quelle situation la jolie brune peut le placer. Sûrement dans un cliché du geek, un peu pervers. Mais il ne va pas la rassurer sur ce point. Il ne sait pas de quoi demain est fait. Peut-être que si Dylan le croit capable d’horreurs, elle le laissera tranquille, même une fois sa vengeance accomplie. À la place, il sort son téléphone et le tend à sa Némésis.

« Écris-moi son numéro et donne-moi aussi ton mail. Tout ce que je découvrirais, je te l’enverrais. Je suis en filière cinématographique donc si tu veux faire un petit montage des choses compromettantes, tu me dis… »

Un pacte avec le diable vient d’être signé. Mais qui est le diable des deux jeunes gens ? Personne ne saurait dire. Quand Dylan finit de noter les informations dont a besoin le jeune homme, il range son téléphone puis reporte son attention sur la reine de l’université. Il sent bien que cette journée risque d’être longue pour elle. La date de son anniversaire ne semble vraiment pas être une date joyeuse à ses yeux. Nate trouve que c’est dommage car elle pourrait tellement s’amuser… Une idée lui traverse alors l’esprit mais avant, il doit être sûr que Dylan sera partante. Même si ça veut dire qu’ils devront sécher les cours de la journée. Une journée ce n’est rien… Mais il préfère être sûr tout de même.

« Dylan, si je te propose une journée d’anniversaire où je suis sûr que tu pourras t’amuser, tu me suivrais ? »

Pour une fois, Nate et Dylan ont une conversation normale. Nate n’a pas sorti son gilet pare-balle pour éviter de se faire fusiller par le regard dévastateur de la jeune femme. Les insultes ne fusent pas, il n’y a pas de cris. Oui, une conversation normale entre deux personnes civilisées et matures. Et pour Nate, c’est bien plus agréable, il est surpris d’apprécier cet échange. Il découvre un aspect de la personnalité de Dylan qui lui donne l’impression qu’elle est bien plus humaine que ce qu’elle laisse paraître.
Après s’être relevé de sa révérence, Dylan lui fait presque un compliment. Nate, voyant son minuscule sourire, lui en offre un bien plus franc. Il espérait lui remonter un peu le moral et il voit qu’il est sur la bonne voie.

« Merci mais je ne le referais pas, je te préviens. » dit-il en riant doucement.

Le temps passant, les deux jeunes gens discutent de choses banales. L’un des sujets abordés : le piratage du téléphone de Blake Donovan. Ce n’est pas légal mais ce n’est pas la première fois que le jeune homme se livre à cette activité. Nathanaël n’est pas un bagarreur, il n’a pas le gabarit d’une armoire à glace. Alors, face au harcèlement et aux moqueries, il utilise d’autres moyens pour se défendre, comme le piratage de données. Il sait bien qu’il pourrait avoir des problèmes avec la justice mais il se défend comme il peut. Et aujourd’hui, ses compétences vont pouvoir lui servir. Le jeune homme n’hésite pas un seul instant car à ce moment, il pense surtout à avoir la paix. Si rendre ce service à Dylan lui permet d’être un peu plus tranquille quand il va à l’université, Nate est prêt à vendre son âme au diable une nouvelle fois.
Dylan lui explique ce qu’elle cherche. Une femme avec qui Blake pourrait entretenir une relation, elle espère découvrir son identité et ce qui les lie. Dylan hoche la tête, comprenant ce que la jeune femme lui demande. Ce n’est pas compliqué, il s’attendait à bien plus difficile. Trouver les identifiants d’un compte est très simple pour lui.

« D’accord, je t’enverrais tout ce que je trouve. »

Nathanaël est bien déterminé à lui donner satisfaction. Il se doute que s’il ne peut communiquer des informations compromettantes à Dylan, cette dernière pourrait se retourner contre lui. Et si elle faisait déjà de sa vie un enfer, il n’ose imaginer ce que ce serait si en plus il venait à la décevoir. Mais encore une fois, trouver des messages ou peut-être même des photos ou des vidéos, ce n’est pas très compliqué aux yeux du jeune homme. Mais pour l’heure, Nate a une autre idée en tête. Rien ne l’oblige à le faire, il pourrait bien prendre congé de Dylan et ne revenir vers qu’une fois sa basse besogne accomplie. Mais voilà, son grand cœur l’empêche de laisser la jeune femme dans le désarroi dans lequel elle semble plongée. Nate ne saurait l’expliquer mais il n’aime pas la voir si triste. Il n’aime pas voir son regard éteint et cet air d’épuisement. Il ne sait pas qui est Dylan une fois qu’elle quitte son rôle de reine des pestes de l’université. Ce qu’il sait en revanche, c’est que la jolie brune est un être humain, avec des sentiments et des failles. Et aujourd’hui, il en voit une. Mais plutôt que de s’y glisser pour la pulvériser de l’intérieur, il préfère l’aider à se relever, à aller mieux. Ça se retournera peut-être contre lui mais pour lui, ça vaut le coup d’essayer. Face à sa proposition, il voit qu’il a réussi à piquer sa curiosité.
En fait, il a eu une idée : l’emmener dans une fête foraine. De son point de vue, un anniversaire devrait un jour qui sort de l’ordinaire. Dylan devrait sourire et rire, s’amuser et profiter. Pas ruminer en espérant que la journée se termine vite. Peut-être avait-elle toujours ses journées d’anniversaire de cette façon, aussi, Nate voudrait faire en sorte que cette année soit différente pour elle. Mais il ne veut pas gâcher la surprise alors, il lui répond :

« Je voudrais, pour commencer, t’emmener loin de ce Blake. Et dans cet endroit, tu pourrais te laisser aller, t’amuser un peu et oublier que c’est un abruti fini à la pisse. Qu’est-ce que tu en dis ? » Il se lève de la table où il était assis en tailleur et tend sa main vers la jeune femme avant de demander : « Sa Majesté est-elle partante ? »