Une rencontre fortuite (PV Elijah)

Ce n’était pas prévu que Raven soit dans la vie de ses deux enfants. Après tout, elles les avaient abandonnés avant même qu’ils n’aient conscience qu’elle était leur mère. Elle n’avait jamais eu la fibre maternelle, il faut dire qu’elle les avait eus au mauvais moment… elle était dans une période où elle avait envie de s’amuser. Et puis les hommes qu’elle avait connus étaient soit mariés, soit dans la même intention qu’elle. Difficile de se poser et de fonder une famille avec ce genre d’hommes. Raven s’était persuadée que faire adopter ses enfants avait été la meilleure décision à prendre. C’était mieux pour eux. Elle savait que leur père, Daniel, aurait voulu les connaître. Après tout, il perçait ses préservatifs pour ça. Dans son esprit tordu, si Raven tombait enceinte, elle lui appartiendrait pour toujours… quel idiot ! Raven était un électron libre, elle n’appartenait à personne.

Alors pourquoi revenir dans la vie de ses enfants si elle n’avait pas voulu d’eux au départ ? Un sentiment que jamais Raven ne reconnaîtrait publiquement : la culpabilité. Raven regrettait un peu d’avoir laissé ses enfants. Chacun d’eux avait été dans un orphelinat, plus ou moins longtemps, avant d’être adopté. Raven avait fait des recherches. Marcus-Julian était resté plus longtemps que Billie-Satheen. Il avait eu des problèmes de drogues qui avaient failli le tuer. Sa sœur n’était pas mieux, bien qu’elle n’eût jamais fait d’overdose. Aujourd’hui, chacun d’eux étaient revenus sur le droit chemin, avec de belles carrières d’artiste et mannequin. Raven aurait pu être fière si elle avait contribué à leur succès mais ce n’était pas le cas. Elle avait honte de ce qu’elle avait fait mais quelle vie aurait-il eut avec elle ? Après des années à veiller sur ses frères et sœurs, elle n’avait pas eu envie de recommencer, pas même avec sa propre progéniture… Bon sang, elle était vraiment égoïste.

La presque quarantenaire, soit-disant, sortit de ses pensées. Elle avait une boutique à faire tourner. Tout en arrangeant les mannequins de son magasin luxueux, elle observait ses employés. Elle vérifiait la qualité de leur travail. Leurs clients n’étaient pas des citoyens lambda, ces gens avaient les moyens de racheter sa boutique, avec elle et son personnel dedans. Elle se devait de leur offrir un service de qualité ! Bien heureusement, ses employés étaient les meilleurs, la crème de la crème comme disaient les français. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle. Donc elle vérifiait toujours que les étiquettes étaient soigneusement dissimulées dans les plis des vêtements, que les piles étaient pliées selon le règlement et que le sol brillait.

Les mannequins présentables, Raven fit claquer ses talons en se dirigeant vers la caisse. Elle devait y vérifier certains détails, notamment qu’il n’y avait aucun écart et que le nom de ses plus fidèles clients étaient bien répertoriés et correctement orthographiés. Alors qu’elle était absorbée dans ses vérifications, elle entendit une voix puissante et profonde saluer ses employés. Curieuse, elle leva la tête et vit… Elijah Hastings, le sénateur de New-York. Elle le savait bel homme, grâce à la télé, mais en réalité, il était bien plus beau et attirant en vrai. La séductrice en elle se réveilla avec grâce et l’incita à aller l’accueillir ! Heureusement que même en tenue professionnelle, elle restait élégante et sexy !

« Monsieur le sénateur ! Quelle heureuse surprise ! Bienvenue au Luxury Place. Je m’appelle Raven, en quoi puis-je vous être utile ? »

Raven lui offrit son sourire aussi professionnel que ravageur. On lui avait toujours répété depuis son adolescence qu'elle était une très belle femme, qu'elle aurait pût être mannequin et que son sourire pouvait conquérir n'importe quel homme. Elle y avait cru dur comme fer et s'en servait à présent pour appâter des clients dans son magasin. Un énorme changement pour cette femme qui avait toujours cherché à se faire entretenir, qui refusait de travailler. Pourquoi travailler quand un homme était prêt à débourser des sommes colossales pour subvenir à ses besoins ?

Entouré de ses gardes du corps, Elijah conclut cet appel téléphonique quotidien qu’il ne louperait pour rien au monde : celui de sa fille Latoya qui étudie actuellement dans une des meilleures universités du pays. Malgré la garde quasi exclusive de la mère, père et fille ont toujours été très proches. Nommé Sénateur à New York, jamais il ne ferait passer sa carrière avant les besoins de Latoya ; même s’il a fallu attendre son divorce avec son ex-femme pour que sa carrière politique explose. C’est avec un sourire aux lèvres qu’il range son téléphone dans la poche intérieure de sa veste avant de pénétrer au Luxury Palace. On lui avait vanté les mérites de cette boutique lors d’un dernier meeting lorsqu’il avait émis l’idée de renouveler son panel de costumes pour sa toute dernière campagne. Elijah est toujours avare de bonnes adresses, et la suggestion émise par son chargé de presse n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Ses orbes sombres font rapidement le tour de la boutique, constatant qu’en termes de luxe, on atteint presque des sommets. Elijah a déjà mis les pieds dans bien plus luxueux, mais ce n’est pas forcément ce qu’il recherche. Il cherche principalement la qualité et surtout la pérennité. Il apprécie de savoir qu’un costume est garanti à vie et pris en charge quel que soit le changement corporel de son propriétaire. Bien sûr, Elijah ne compte pas prendre du poids. Il s’entretient suffisamment physiquement pour conserver une carrure et stature lui assurant la préservation de son image, mais il n’est pas à l'abri des changements qu'apportent le temps sur sa personne. A 47 ans, il s’estime chanceux d’avoir de bons gènes qui le maintiennent dans une forme physique assez appréciable.

A peine fait-il quelques pas dans la boutique qu’une vendeuse se présente à lui, le reconnaissant aussitôt. Rares sont ceux qui ne le reconnaissent pas étant donné la forte influence médiatique qui le poursuit. Elijah est donc nullement surpris des paroles de la vendeuse prénommée Raven. Il lui offre un sourire en réponse au sien, un peu plus médiatique pour sa part. Sourire aux gens est presque une obligation dans sa fonction. Seulement voilà, ces sourires-là ne sont pas de vrais sourires sincères.

一 Bonjour madame. Je souhaite renouveler mes costumes, mais je recherche uniquement des sur mesures et garantis sur le long terme pour des reprises et ajustements.

Autant aller franchement dans la demande et ne pas passer par quatre chemins. Elijah est là pour ça. S’il s’avère que la boutique Luxury Palace ne fait que du prêt à porter, il fera demi tour tout en remerciant la vendeuse pour ses quelques instants qu’elle lui aura consacré.

Raven était une femme élégante, toujours apprêtée avec soin. Au travail, elle portait un tailleur de couleur crème composé d’une veste ajustée qu’elle avait femé et d’une jupe crayon s’arrêtant au niveau de ses genoux. Et comme toujours, elle portait des escarpins allongeant sa silhouette. Mais ses tenues n’étaient pas les seules à bénéficier de son attention. Son maquillage et sa coiffure également étaient impeccables. Aujourd’hui, elle avait lissé ses cheveux crépus afin de les attacher en une queue de cheval basse. Si cette belle femme faisait si attention à son apparence, c’est parce qu’elle savait qu’à tout moment, elle pouvait rencontrer un nouvel homme. Son âge n’était absolument pas un obstacle à son envie de plaire et de suivre. Bien au contraire, Miss Conrad se trouvait plus belle que jamais. Et après avoir passé des années et des années à s’amuser, elle se sentait enfin prête à se poser, à avoir une relation sérieuse.

Mais pour le moment, elle se concentrait sur deux choses : se rapprocher de ses enfants et faire tourner sa boutique. Bien qu’elle eut abandonné ses enfants, aujourd’hui, Raven voulait se rattraper… d’une certaine façon. Marcus-Julian était venue lui parler quelques années auparavant afin de la connaître, de comprendre pourquoi elle avait fait ce choix… Mais à ce moment, Raven n’était pas prête à affronter le regard accusateur de son fils. Ce fut bien après qu’elle se remit en question. En discutant avec un ami, ce dernier lui proposa de gérer une de ses boutiques situées à New-York. Raven y vit un signe. Sans attendre, elle accepta l’offre et quitta Los Angeles.

Tout en ajustant les vêtements, Raven se mit à songer à ses retrouvailles avec ses enfants. Marcus-Julian, sans pour autant l’accueillir à bras ouverts, avait été bien plus chaleureux que sa fille, Billie-Satheen. Raven s’était vue en voyant sa fille. Elle était aussi magnifique que redoutable, un caractère bien trempé. Pour l’instant, elle se tenait à l’écart, attendant qu’ils se sentent prêts à lui parler.

Alors qu’elle se perdait dans ses pensées devant sa caisse, une voix profonde et puissante résonna dans le magasin. Intriguée, Raven releva la tête et son regard tomba sur le sénateur Elijah Hastings. Rangeant sa caisse, elle s’était dirigée vers lui pour l’accueillir en lui demandant ce qu’elle pouvait faire pour lui.

Bien qu’elle resta professionnelle, la jolie trentenaire ne put s'empêcher de remarquer la beauté virile de l’homme qui lui faisait face. La dépassant d’une tête, Elijah Hastings avait une musculature bien développée et respirait la confiance et le charisme. Rien d’étonnant venant de la part d’un homme politique. Raven dût faire un effort pour se concentrer sur les mots qui sortaient de la bouche du sénateur. Costumes sur-mesure, de bonne qualité.

“ Je vous en prie, monsieur le sénateur, appelez-moi Raven. Je vais m’occuper de vous ! Suivez-moi, je vous prie.”

Raven lui offrit un sourire ravageur avant de l’emmener vers l’arrière de la boutique, là où les mesures étaient prises. La pièce avait une ambiance intimiste afin de mettre à l’aise les clients. Elle laissa le sénateur monter sur le piédestal présent face à un miroir immense. De son côté, elle se saisit d’un mètre.

“Avez-vous des préférences pour les couleurs de vos costumes ? Des styles bien définis ? Il me faut un maximum d’informations.”

Depuis que Miss Conrad avait repris la boutique, elle avait appris bien des choses sur la tenue d’un commerce. A présent, elle savait sur le bout des doigts ce qu’elle avait à faire quand elle passait le pas de la porte. Et en réalité, elle n’aurait jamais pensé qu’elle aimerait travailler…

Raven n’aurait jamais cru qu’elle aimerait travailler et encore moins qu’elle aurait les compétences nécessaires pour gérer un magasin. Pourtant, elle le faisait à la perfection. Elle savait gérer les gros clients, la trésorerie mais aussi les conflits avec la clientèle, la gestion des stocks. En bref, elle était douée pour le métier. Mais plus encore, elle s’y sentait bien. Elle était épanouie et confiante. Elle était fière de dire qu’elle gérait un magasin avec brio. Personne n’aurait misé un dollar sur elle et pourtant… elle avait réussi à s’imposer. Alors oui, elle était extrêmement fière de son évolution.
Malheureusement, il restait encore un domaine de sa vie dont elle restait légèrement honteuse : l’abandon de ses enfants. Peu de personnes comprenaient les raisons de son geste. La réalité était qu’à l’époque, Raven était jeune et égoïste. Elle ne voulait pas s’encombrer d’un marmot et elle ne se sentait pas prête à être mère. Elle n’avait absolument pas la fibre maternelle. Et après avoir joué les mères de substitution pour sa fratrie, elle refusait de vivre la maternité. Surtout qu’être une grande sœur était une chose, être mère en était une autre ! Mais plus elle prenait en âge – même si elle conservait ses 30 ans chaque année – plus elle se rendait compte que ne pas connaître sa progéniture lui causait un vide. Un vide qui grandissait chaque jour provoquant chez elle un regret. Raven savait qu’elle avait, indirectement, apporté à ses enfants la stabilité dont ils avait besoin. Si elle les avait gardé avec elle, ils auraient fini par mal tourner. Elle les aurait délaissé. C’était de l’opportunisme, d’une certaine façon. Elle avait disparu dans leur vie pour réapparaître quand ils n’avaient plus besoin d’elle. Mademoiselle Conrad avait une vision assez étrange de l’amour.
Se concentrant sur le présent, elle prit toute la mesure d’avoir pour client le sénateur en personne. S’il était satisfait de son travail, il serait une publicité ambulante, un ambassadeur. D’autres politiciens viendraient passer commande chez elle. Elle ne pouvait pas se louper sur ce coup-là. Raven mit donc un point d’honneur à être professionnelle et à la hauteur… bien qu’elle n’hésitait pas à flirter un peu avec le bel homme. Seul aveugle ne remarquerait pas le charisme et la virilité qui émanait d’Elijah Hastings. Et Raven était loin d’être aveugle ! Elle l’avait emmené dans l’arrière boutique afin de prendre ses mesures. Elle se renseigna également sur ce qu’il désirait. Des couleurs sobres mais il n’était pas contre des couleurs un peu moins conventionnel. Raven hocha la tête.

« Très bon choix. Ce sont des couleurs qui vous iront très bien. Mhhh… » fit-elle, songeuse.

Elle croisa les bras sous sa poitrine, pencha la tête et l’observa. Son œil d’expert scruta l’homme, sa carrure, analysa ce qu’elle voyait avec la précision d’un chirurgien en pleine opération à cœur ouvert. Elle avait rangé la séduction pour ne plus être que la gérante d’un magasin remarquant un détail. Sans rien dire, elle observa son client sous toutes les coutures. Elle se tenait le bas du visage en réfléchissant. Puis, elle se tourna et alla vers une petite armoire. Elle en sortit des échantillons de tissus de différentes couleurs. Elle sélectionna quelques couleurs dans plusieurs teintes. Du beige, du violet et terracotta. Elle prenait les morceaux d’étoffes, les levant et les plaçant à côté du visage du sénateur afin de voir si les couleurs mettaient en avant sa peau d’ébène.

« Que pensez-vous de ces couleurs ? Je me permets de vous proposer d’autres couleurs. Je pense qu’elle vous mettront tout en valeur. Mais ces costumes seront plutôt pour des occasions moins formels qu’un débat télévisé. »

Raven avait remarqué une chose. Depuis qu’elle travaillait dans sa boutique, elle en faisait toujours plus que ce que les clients attendaient. Elle fournissait les vêtements mais également des conseils et des articles en plus. Elle refusait que ses clients sortent de sa boutique et maltraitent les vêtements qu’ils lui achetaient. Ils devaient sortir de la boutique avec des conseils à appliquer. Ils étaient ses ambassadeurs, hors de question qu’ils soient habillés n’importe comment avec sa marchandise sur le dos !
Une fois que les couleurs furent choisies, Raven récupéra son mètre et se mit à prendre les mesures du corps du sénateur. Elle ne put que constater la musculature d’Elijah. Un corps ferme, élancé. Ses doigts étaient habiles, son esprit affûté. Sa boutique était son royaume, elle était une reine ici. Chaque mesure prise, chaque tissu coupé était un acte de gouvernance, sculptant le tissu pour le rendre digne de la personne qui le porterait. Elle était si proche du sénateur qu’elle pouvait sentir son subtil parfum. Elle lui leva les bras avant de lui dire :

« Gardez vos bras ainsi… Parfait. »

Raven passa le ruban autour de ses larges épaules. Elle enregistra mentalement chaque chiffre, comme une mélodie qu’elle connaissait par coeur.  Même si elle tentait de rester le plus professionnelle possible, elle pouvait voir la légère tension de sa musculature sous le tissu de sa chemise. Elle luttait contre son envie de le séduire, mais elle n’oubliait pas que la réputation de son magasin était en jeu.

« Vous avez un évènement en particulier dans les jours à venir qui nécessiterait un costume ? »

C’était une manière pour elle de se concentrer sur ce qu’elle avait à faire.

Malgré toute l’attirance que Raven avait pour l’homme sur le piédestal, elle conservait son professionnalisme et une certaine distance. Elijah Hastings était non seulement un client important mais c’était en plus une personnalité publique. Un faux pas et il pouvait ternir sa réputation jusqu’à ce qu’elle disparaisse six pieds sous terre. Raven en avait conscience. Mais son poste l’obligeait à observer l’homme sous toutes les coutures, sans mauvais jeu de mots. Même si elle restait calme en apparences, ses hormones dansaient le limbo près d’un brasier en espérant qu’elle se joigne à eux. Elle ne pouvait ignorer la musculature du sénateur. Et quand elle leva le bras avec ses tissus d’échantillons pour les placer près de son visage, elle pouvait que constater la beauté virile qui émanait de lui. Son visage avait quelque chose d’apaisant, de réconfortant. Elle comprenait pourquoi il avait la côte auprès de son électorat. Avec sa voix profonde et cette aura de force tranquille, il ne pouvait qu’imposer le respect tout en insufflant un souffle de sécurité et de confiance. Des qualités indispensables en politique. Bien qu’elle ne s’y intéresse pas particulièrement la responsable du magasin était tentée de lui donner son vote quand il le souhaitait.

Ayant confiance en ses capacités, Raven lui proposa des couleurs un peu moins formelles, s’il avait une occasion comme une fête, il aurait un ensemble un peu plus festif, disons. Le beige et le terracotta lui plaisaient mais le sénateur semblait moins convaincu pour le violet. C’était une couleur plus audacieuse mais Raven avait tenté le coup. Elle imaginait bien cette couleur sombre et intense sur le corps de cet homme… il imaginait bien d’autres choses beaucoup moins professionnelles. Mais elle repoussa ses pensées au loin. Non, non, Raven, tu n’es pas en chasse, calme ta libido, s’admonesta-t-elle intérieurement.

« Le violet pourrait être pour une occasion plus… personnelle. Une fête entre amis, un rendez-vous galant. Associée aux bons accessoires et couleurs, le violet pourrait être magnifique sur vous. Mais vous devez être à l’aise avec l’ensemble et la couleur. Hors de question que vous sortiez d’ici avec des vêtements dans lesquels vous n’aurez pas l’entière satisfaction ! »

S’il y avait bien une chose que la trentenaire ou presque refusait, c’était de vendre des vêtements qui n’allaient pas parfaitement à ses clients, aussi physiquement que mentalement. Vendre pour vendre ne l’intéressait pas et elle mettait un point d’honneur à combler chaque personne qui mettait le prix dans sa marchandise. Elle se tourna et abandonna le tissu violet sur la table. Puis elle retourna auprès de son client et prit ses mesures. Comme un bon soldat, il ne bougea pas d’un iota. Parfois, elle se retrouvait avec des clients qui semblaient avoir des vers dans les fesses. Ils ne cessaient de bouger, faussant ses mesures et l’obligeant à recommencer toutes les manœuvres. Venant des enfants, Raven pouvait comprendre mais de la part d’adultes… rien que d’y penser, elle était exaspérée ! Une fois les mesures prises, elle retourna vers la table, se penchant pour les noter. Elle avait conscience qu’elle offrait sa croupe à Elijah… et elle le faisait avec plaisir ! Raven, malgré qu’elle n’ait plus 20 ans, aimait séduire, voir l’admiration et l’envie dans le regard des hommes. Elle était plus que bien conservée pour son âge et malgré deux grossesses. Un peu de sport et un régime sain, elle ne voyait pas l’intérêt d’abîmer son corps en y introduisant des substances douteuses. Alors les substances illicites… ce n’était même pas la peine d’y penser ! Et puis, elle avait bien le droit de jouer innocemment. Après tout, elle devait vendre et parfois, jouer la carte de la séduction aidait un peu le passage en caisse.

Ses mesures notées, se redressa et se tourna vers le sénateur, un sourire plus séducteur qu’auparavant. Elle avait vu l’éclat dans ses yeux, celui qui montrait qu’il n’était pas indifférent à son charme. Mais Raven n’était pas stupide au point de lui sauter au cou. Elle devait continuer à se montrer professionnelle tant qu’elle serait dans son rôle de gérante d’un magasin. Mais si elle était amenée à le revoir sans cette étiquette… les choses pourraient prendre une autre tournure… après tout, de ce qu’elle savait, il était célibataire et c’était aussi son cas. Ils étaient tous les deux majeurs, ils pouvaient bien se fréquenter…
Elijah Hastings l’informa d’un gala et de quelques conférences de presse. Raven hocha la tête.

« Vous avez déjà une idée de ce que vous allez porter ? L’ensemble, les chaussures et les différents accessoires ? »

À nouveau, la professionnelle revint à la surface. Raven était prête à se plier en quatre pour faire en sorte qu’Elijah Hastings devienne un client fidèle. Elle croisa ses bras sous sa poitrine. Ses talons claquaient sur le sol tandis qu’elle se remit à l’observer. Elle l’imaginait au milieu d’une foule, serrant des mains. Ensuite, elle visualisait le sénateur sur une scène, un pupitre devant lui, rassurant son auditoire. À chaque fois, elle le mettait en scène dans différentes tenues, réfléchissant à celle qui pourrait le mieux correspondre à ces événements. Chassant une couleur pour une autre, ajustant une chemise, rajoutant des boutons de manchette. Elijah ne le savait pas encore mais Raven pouvait le déshabiller et le rhabiller totalement ! Elle n’avait pas fait de longues études en stylisme mais elle avait l’œil. Elle avait ce talent que l’on ne pouvait acquérir sur les bancs de l’école. Durant des années, elle avait affûté ce talent jusqu’en faire son meilleur atout.

Raven Conrad était dans son élément. Elle aimait s’occuper de sa clientèle, les conseiller et les rhabiller. Certaines personnes entraient dans son magasin totalement perdus. Ils étaient incapables de déterminer ce qu’ils voulaient ou même ce qui leur plaisaient alors elle les guidait et parfois, elle leur permettait d’être un peu plus audacieux. Et puis il y avait une autre catégorie : celle qui savait précisément pourquoi ils étaient entrés dans sa boutique. Le sénateur faisait définitivement partie de cette catégorie ! Il était entré avec détermination et il n’avait pas hésité une seule seconde. Son choix était fait. Mais Raven avait apprécié qu’il soit ouvert à d’autres idées. Et il n’avait pas hésité à faire valoir son point de vue. Raven le prenait bien évidemment en compte. Il n’était pas dans ses intentions de lui imposer ses choix. Elle lui soumettait des idées et s’il ne les voulait pas, elle passait à autre chose.

Bien que le sénateur l’attirait, la responsable gardait son aspect professionnel, elle était là avant tout pour faire tourner son commerce. Les petits plus venaient ensuite. Tandis qu’elle prenait ses mesures, elle ne put nier qu’Elijah avait une carrure qui ferait pâlir un jeunot de 20 ans. Tout en muscle et fermeté, la jeune femme – oui elle était encore jeune – pouvait voir qu’il ne se laissait pas aller. En vieillissant, Raven avait pu constater que les hommes de son âge, se laissaient aller, ne prenaient plus soin de leur apparence. Une petite bedaine, un peu moins de parfum ou une peau qui laissait apparaître une certaine négligence. Mais pas Elijah Hastings. Elle se doutait qu’avec son métier et son statut, il se devait d’avoir une apparence soignée, qui inspirait la confiance. Tous ses collègues ne le pensaient pas. Beaucoup de politiciens avaient cet aspect débonnaire, vieux bonhomme qui aimait la bonne nourriture ! Mademoiselle Conrad en avait vu des hommes qui exigeaient que les femmes restent belles avec un aspect élégant, sexy sans être vulgaire. Alors qu’eux mêmes ressemblaient à de vieilles brioches moisies oubliées dans un placard. Raven les détestait cordialement ! Mais aujourd’hui, pour son plus grand bonheur, son client du jour était un homme agréable à regarder… et plus encore ! Quand elle se relève après lui avoir offert une vue sublime sur son corps encore fermé malgré ses deux grossesses, il n’essaye pas de cacher son regard. Ce sont des adultes, pas des adolescents à peine sortis de la puberté. Bien qu’elle se montre plus séductrice, Raven conserve son professionnalisme, lui demandant s’il savait déjà ce qu’il porter pour compléter sa tenue. Sa réponse est claire : il a mieux à faire que de s’en préoccuper, il a une équipe qui gère ça.

« Je vois… j’espère que cette personne ne gâchera pas la tenue que je vais vous concocter ! Je refuse de voir un client aussi important que vous être attifé comme un sac à patates ou une boule de disco alors que j’aurais pris soin de vous habiller parfaitement. »

Elle croisa les bras sous sa poitrine. Elle n’aimait pas beaucoup l’idée qu’une autre personne doive se charger du reste de sa préparation. Il suffisait d’un élément mal placé ou d’un accessoire en trop pour gâcher tout son travail. Certaines personnes avaient la fâcheuse tendance de croire qu’un homme noir ne pouvait pas s’habiller avec classe et élégance. Combien de fois n’avait-elle pas vu des hommes noirs habillés comme des proxénètes pour un événement important ? L’image était importante et quand on ressemblait à un trafiquant de drogue ou un clown, il ne fallait pas s’étonner du mépris et du jugement que l’on recevait. Et Raven avait toujours mit un point d’honneur à avoir une image irréprochable… même si son comportement ne suivait pas toujours…
La question du sénateur la déstabilisa. A-t-il vu qu’elle fait ce métier depuis très récemment ? Non, elle ne le pensait pas, elle avait veiller à comprendre très rapidement comment fonctionnait un magasin. Il devait être simplement curieux, voilà tout. Elle lui répondit donc tout naturellement :

« Je fais ce métier depuis peu de temps. Mais l’opportunité s’est présentée et j’ai toujours adoré le monde des vêtements, du stylisme. La mode, quoi. Ce n’est pas très original… » dit-elle en riant.

Raven avait eu une vie plutôt mouvementée. Elle avait arrêté ses études assez tôt pour s’occuper de ses frères et sœurs. Puis elle avait tout envoyé valser, excédée de ne pas pouvoir vivre sa vie. Elle avait eu des petits boulots mais sa réelle source de revenus, si on pouvait dire, venait des hommes qui, sous son charme, prenaient soin d’elle. Raven n’avait jamais eu honte de son passé mais face à un homme tel que le sénateur Elijah Hastings, elle n’était pas fière de sa vie… elle se doutait qu’elle serait vue comme une femme vénale et matérialiste. Elle avait été durant une bonne partie de sa vie, mais elle avait longtemps mit ses besoins de côté au profit de sa famille.

Le sénateur a beau être sexy en diable, il n’en reste pas moins tatillon et Raven se sent piquée au vif par le rappel qu’il lui fait. Elle lui vend des vêtements sur mesure, elle ne l’habille pas. Décidément, elle n’obtient absolument rien de ce qu’elle voudrait. Elle ne l’habille pas et le déshabille encore moins. Elle croise les bras sous sa poitrine tout en se mordant la langue pour ne pas répliquer. Raven a beau avoir un caractère de cochon, elle n’oublie pas son rôle. Même face à des clients irrespectueux, la dénigrant ouvertement, Raven a toujours su se montrer polie et courtoise. Les seules fois où la belle perd son sang-froid, c’est face au racisme. Oui, elle y est parfois confrontée. On dit qu’il faut de tout pour faire un monde, même des cons condescendants qui la croient inférieure parce qu’elle est noire. Elijah Hastings n’est pas un de ces clients imbuvables qui lui donnent envie de leur planter des aiguilles un peu partout. Si sa remarque l’a piqué, c’est parce qu’elle lui rappelle un rêve qu’elle pense irréalisable au vu de son âge. À vrai dire, elle aurait rêvé être la place de cette jeune femme. Habiller de la tête aux pieds une personne, lui confectionner une tenue sur-mesure avec les accessoires, voilà ce qu’elle voudrait faire. Mais elle ne se fait pas d’illusions. Raven sait que, malheureusement, passée la trentaine, certains pensent que les femmes sont périmées, bonnes à être jetées à la poubelle. Mais il n’y a pas que ça, Mademoiselle Conrad n’a pas les ressources ni les contacts qui pourraient lui permettre d’accéder à ce rêve. Alors, elle s’est fait une raison et a sauté sur l’occasion qui se rapproche le plus de son véritable rêve. Elle ne s’en plaint pas, peu de gens ont cette chance. Cependant, il lui arrive parfois d’avoir quelques regrets… Le bel homme qui lui fait face n’est en rien responsable de sa frustration, donc, elle se détend rapidement et lui offre un sourire affable avant de dire :

« Je ne doute pas de ses compétences, excusez-moi si c’est ce que vous avez compris. Je me suis mal exprimée. Simplement, je suis très impliquée dans mon travail, je m’emporte parfois. J’aime que les clients sortent de ma boutique en étant satisfaits à tous les niveaux… »

Raven est sincère, elle essaye de donner le meilleur d’elle-même dans ce boulot. Surement pour éviter de penser qu’elle a été une mère pitoyable pour ses enfants. Travailler dans cette boutique lui évite de trop penser à ses erreurs passées. Si elle restait chez elle à ne rien faire, la culpabilité nouvelle qui la rongeait referait surface. Pendant des années, Raven a réussi à la refouler, faisant comme si elle n’existait pas. Mais depuis que son fils est venu la trouver, elle a des remords. Raven a toujours gardé un œil sur ses deux enfants, son cœur s’est brisé en apprenant que son fils avait eu une overdose due à sa consommation de drogues. Pourtant, elle continue de croire qu’avec elle dans leurs vies, Marcus-Julian et Billie-Satheen auraient eu une vie bien pire. À l’époque, elle était jeune et très égoïste, avoir des enfants n’avaient pas fait partie de ses plans. Mais leur père avait décidé autrement en lui imposant deux grossesses. La deuxième fut ce qui l’éloigna de lui, alors qu’il pensait pouvoir la garder, la contrôler si elle tombait enceinte. Mais on ne contrôle pas une tempête. Mais à présent, elle s’en veut de ne pas avoir au moins essayé… Billie-Satheen est enceinte. Raven sait bien que sa fille ne voudra pas d’elle à ses côtés. La rancœur est bien trop forte mais du côté de son aîné, Raven aura peut-être un peu plus de chance… Enfin bon. Elle se recentre sur la conversation qui porte à présent sur son parcours. Raven ne va pas étaler sa vie privée au sénateur Hastings, aussi sexy soit-il, elle ne peut pas se livrer aussi facilement ! Elle lui répond bien sûr mais c’est une réponse assez évasive. Elijah ne s’en préoccupe pas, d’ailleurs, il va dans son sens. Parfois, il vaut mieux être banal plutôt qu’original, ça évite les complications inutiles.

« Je suis d’accord avec vous. Travailler dans le monde de la mode est assez difficile comme ça, pas besoin de se rajouter une difficulté en plus. » dit-elle en riant légèrement.

Son œil d’expert remarque un léger défaut sur la veste. Raven s’approche et, à nouveau, elle pose les mains sur le bras du sénateur. Et bon sang, elle doit déployer toute sa force mentale pour ne pas caresser ce biceps ferme. Tandis qu’elle rajuste une épingle afin de resserrer légèrement le tissu. Son cœur bat un peu plus fort et elle espère de tout son cœur qu’Elijah Hastings ne l’entendra pas. Raven ne peut nier l’attraction irrésistible qu’elle ressent face à cet homme qui a tout pour plaire. De sa voix profonde à son charisme naturel. Raven se répète alors que cet homme est intouchable en sa qualité de client et de sénateur pour calmer ses hormones qui sont décidées à danser la conga !