Oui, tu deviendras une patate ! - Lizzie

J’étais tellement maladroite que je ne pouvais que me confondre en excuse face à Jay qui avait été arrosé de jus. Maudit tapis dans lequel je m’étais prise les pieds… et maudite maladresse !!! Il n’y en avait vraiment pas deux comme moi d’aussi maladroite ! Et j’étais disposée à beaucoup de choses pour me faire pardonner d’avoir ainsi trébuchée ; notamment de nettoyer le four de la cuisine. C’était vrai qu’on ne l’avait pas nettoyé depuis un petit moment alors… Et bien ça faisait une bonne raison pour le nettoyer. Les tâches ménagères ne me faisaient pas peur. J’avais vécu seule avec mon père pendant quelques années, depuis que Jay et Jenna avaient quitté la maison pour aller s’installer dans leur propre chez eux, donc j’avais bien dû mettre la main à la pâte pour aider mon père. En revanche, entendre Jay suggérer que je pourrais aussi faire le ménage à la salle de box…

« Garde tes fantasmes pour toi » répliquais-je aussi sec lorsqu’il insinua que j’étais douée avec un balai.

Enfin… Est-ce que c’était moi qui avais l’esprit pervers en m’imaginant en costume de femme de ménage beaucoup trop court pour que ce soit décent ? Oh mon dieu ! Pourquoi est-ce que je m’imaginais en costume de femme de ménage beaucoup trop court entrain de me trémousser devant un Jayden transpirant après un énième entraînement de box ?! Lizzie, espèce d’idiote !!!! Maintenant, je n’osais même plus le regarder en face. Bravo !

Heureusement que Jay changea de sujet en me demandant à qui est-ce que je parlais aussi tard dans la nuit. Aussitôt je m’en voulus qu’il ait entendu parce que cela voulait dire que j’avais fait trop de bruit en discutant. Tyron était gentil de m’aider à rattraper mon retard. Il prenait du peu de son temps libre pour m’aider. Alors des fois c’était à des heures un peu indue de la nuit. Mais l’idée d’avoir pu troubler le sommeil de Jay me désolait. J’essayais de lui expliquer pourquoi je téléphonais aussi tard. Jay comprendrait, c’était dans sa nature. En revanche, je ne m’attendais pas à ce qu’il me réponde que Tyron n’arriverait jamais à mettre la main sur mon « joli petit cul ». Ma bouche s’ouvrit, et mes yeux s’écarquillèrent. QUOI ?!

Je n’eus pas le temps de réagir que Jay se leva, énervé, et déposa la manette de jeu pour quitter la pièce. Avais-je réellement bien entendu ?! Est-ce que… Est-ce que Jay avait ouvertement dit que j’avais un joli cul ?! Je le fixais jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision, toujours bouche bée par ses paroles. Jamais Jay n’avait fait un commentaire de la sorte sur ma personne. J’avais déjà eu le droit à « tu es jolie habillée comme ça », « mais si, tu es belle », etc. mais un commentaire comme celui-là… Pourtant, je n’étais pas outrée par ses paroles. Bien au contraire. Je m’étais même sentie devenir rouge pivoine. Est-ce que cela voulait dire que Jay matait mes fesses ? Allons Lizzie, c’est ridicule ! Il a divorcé de Caitlinn il n’y a pas si longtemps que ça ! D’ailleurs, à la pensée de cette femme, mon estomac se serra. Mon opinion sur elle n’avait jamais été des plus brillantes, mais après la crasse qu’elle avait faite en avortant dans le dos de Jay, sans même lui dire qu’elle était enceinte… Je secouais la tête afin de remettre de l’ordre dans mes pensées.

A mon tour, je déposais la manette de jeu et partis à la recherche de Jay, que je trouvais dans la cuisine, une bouteille d’eau à la main. Il semblait vraiment en colère. Je me mordillais la lèvre inférieure et m’approchais de lui. Outre le fait qu’il avait déclaré que j’avais un « joli petit cul », je savais qu’il avait dit ça pour me protéger. Un peu comme un grand frère protégerait sa petite sœur. Il était mon seul parent à présent – hormis Jenna – alors c’était normal qu’il veuille me protéger.

« Hé champion… »

Je n’utilisais pas ce surnom très souvent, je devais le reconnaître. Celui-ci était apparu la première fois lorsque j’avais assisté à son match final qui l’avait nommé champion de boxe. C’était la belle époque où mon père était encore là. Je voyais encore sa main qui s’était tendue vers moi pour m’aider à grimper sur le ring et surtout à aller féliciter Jay d’avoir réussi, et d’avoir accompli son rêve.

Je posais une main sur son bras aussi dur que du béton. J’avais l’habitude maintenant que tout soit purement et simplement du muscle chez lui. Je relevais les yeux vers lui et continuais :

« Tu sais… C’est gentil de te préoccuper de moi, et surtout de vouloir me protéger. Enfin… je pensais que c’était le fait que je téléphone aussi tard qui te dérangeait, mais si c’est pour un garçon… » Je marquais une courte pause avant de continuer : « Mais, t’as pas à t’en faire à propos de Tyron. Je suis pas du tout son genre, vois-tu ? Son genre à lui c’est plutôt… toi en fait ! »

Oui, Tyron était gay à 100% et je l’adorais. Il s’assumait totalement et c’était une des choses qui faisaient que j’avais rapidement noué contact avec lui et que nous étions devenus amis. Avec un sourire, je me hissais sur la pointe des pieds et déposais un baiser sur la joue de Jay avant de lâcher :

« Personne ne s’intéresse à mon joli petit cul »

« Garde tes fantasmes pour toi »
La phrase de Lizzie résonna un petit moment dans mon esprit. En fait, je n’avais jamais, jusqu’à maintenant, associé Lizzie et fantasme ensemble. C’était impossible à mes yeux, Elizabeth Calloway était comme ma petite sœur et surtout, elle était ma filleule. Son père se retournerait dans sa tombe s’il savait ce que je pouvais ressentir une attirance pour sa fille… Ou peut-être que non… Je savais que sur un point nous étions d’accord, aucun des petits cons qu’elle pourrait rencontrer ne la mériterait. Si Lizzie avait ramené un garçon à la maison, on se serait fait une joie de lui flaquer la frousse de sa vie ! Mais s’il avait été encore vivant, aurait-il accepté que je sois attirée par sa fille ?... Si je l’étais réellement, ce que je n’étais absolument pas, je te le jure, coach !

« Toi nettoyant chaque recoin de la salle, quelle vision idyllique ! Je te laisse la salle quelques heures et quand je reviens, elle serait tellement propre que je pourrais manger à même le sol ! Tu ne peux pas m’en vouloir de rêver. »

Quoi ? Non je n’imaginais pas Lizzie dans une tenue légère, complètement mouillée façon car-wash sexy… Non, je ne la voyais pas dans un short minuscule, moulant et un t-shirt blanc lui collant à la peau à cause de l’eau… Je stoppais net cette vision sinon j’allais réveiller des pulsions longtemps endormies.
Depuis que j’avais découvert que mon ex-femme, Caitlinn, avait avorté dans mon dos, disons que mes envies sexuelles avaient disparu. J’avais été trop occupé entre mon divorce, mon combat et la mort de mon coach. Caitlinn avait brisé quelque chose en moi. Je l’avais aimé, je lui avais accordé ma confiance et comment m’avait-elle rendu tout cela ? En me trahissant. Tout ça pour une raison purement égoïste… Elle ne voulait pas se voir grossir. Ce n’était que l’un de nos nombreux problèmes. Le divorce sonna comme une évidence pour elle comme pour moi. Mais n’étant pas du genre séducteur, je n’avais jamais cherché à trouver l’amour. Si ça me tombait de nouveau dessus, tant mieux. Mais mes priorités se trouvaient ailleurs.
L’une d’entre elles m’expliquait d’ailleurs qu’elle aimait passer ses nuits à parler au téléphone avec un Tyron. Je ne comprenais pas trop pourquoi mais j’avais été pris d’une colère noire. En réalité, je savais très bien pourquoi j’étais en colère mais je préférais me mentir que ce n’était pas grand-chose. Je n’aimais juste pas qu’un homme s’approche ma filleule parce que j’étais très protecteur envers elle. Sauf que parler de son joli petit cul n’était pas très crédible… Bah oui, je n’étais pas sensé savoir à quoi ressemblait son cul ! Sauf que moi, je savais qu’il était petit et joli… Et plus encore mais ne nous aventurons pas sur ce terrain.
J’avais fini par quitter le salon en trombe pour aller dans la cuisine. J’avais attrapé une bouteille d’eau et buvais au goulot. Je me calmais tout doucement. Je n’étais plus l’ado sanguin prêt à péter un câble. Mais s’il y avait bien une chose qui puisse encore me faire réagir, c’était l’idée que l’on puisse s’approcher de Lizzie ou Jenna, ma jeune sœur.
Lizzie me rejoint en m’appelant « champion », le surnom affectueux qu’elle m’avait donné après ma première victoire. Je tournais la tête vers elle, légèrement plus calme malgré ma mâchoire crispée. Elle posa sa main sur mon bras et je sentis que je me calmais encore un peu. Elle m’expliqua alors que le fameux Tyron à qui je voulais casser les dents n’était absolument pas intéressé par elle… Il était gay.

« Oh… » était tout ce que je parvins à dire avant de rire un peu gêné.

Je passais ma main dans mes cheveux tandis que je relâchais totalement la pression. Je me sentais soudain soulagé. Je n’arrivais pas à me faire à l’idée qu’un mec un jour pourrait s’approcher d’elle… Je ne voulais pas me pencher sur ce que je ressentais à l’instant. Lizzie se hissa sur la pointe des pieds pour m’embrasser la joue. Machinalement, je la tins contre moi en l’attrapant doucement par la taille.

« Je suis désolé de m’être emporté… C’est juste que je n’aime pas l’idée qu’un mec s’approche de toi. Et ce n’est pas plus mal qu’aucun s’approche, je risque de finir en prison si jamais un de ces cons s’approchaient un peu trop près de toi et de ton joli petit cul. » dis-je en riant bien que mes yeux étaient mortellement sérieux.

Je savais comment les mecs étaient à cet âge. Ils réfléchissaient plus avec le cerveau du bas ! Et si ça devait blesser quelqu’un, tant pis, tant qu’ils avaient tiré leur coup ! Sauf que Lizzie n’était pas seule, j’étais là et si un homme se permettait de lui faire du mal, j’allais également lui en faire… Jusqu’à ce qu’il regrette sa vie.

« Mais t’inquiète, ce n’est rien tu finiras vieille fille avec moi pour y veiller. Jenna s’est déjà faite à l’idée qu’elle finira seule parce que je refuse qu’on s’approche d’elle. Toi au moins, tu as de la chance, on passera notre vie ensemble. »

Je l’attirais contre moi en lui tirant le bras. Je lui fis un bisou sur le front. Je ne savais pas pourquoi j’avais cette envie de l’avoir contre moi. Mais, je n’avais pas pensé à mettre un t-shirt donc je n’osais pas la garder trop longtemps contre moi. Je ne faisais pas confiance aux réactions de mon corps. Déjà que mon esprit tournait pervers alors si mon corps aussi me trahissait, j’étais mal barré !
 

Je devrais réfléchir avant de parler parce que je suis tout simplement mortifiée de me rendre compte que j’ai osé dire à Jay de garder ses fantasmes pour lui me concernant. Même si c’est de la taquinerie, comment est-ce que j’ai pu une seconde penser qu’il pourrait m’imaginer dans une petite tenue quelconque en train de faire le ménage dans la salle de boxe ? Alors que je suis presque rouge de honte, Jay rattrape le truc en m’affirmant que c’est uniquement pour mes talents de nettoyage qu’il disait cela. Je me sens presque soulagée qu’il ait pensé à ça plutôt que moi dans une tenue de soubrette en train de passer le balai… Je mâchouille ma lèvre inférieure tandis que je cherche quoi lui répondre et qui pourrait nous ramener à un semblant de normalité. Ce qui est beaucoup plus difficile à dire qu’à faire !

« C’est sûr qu’à côté de tes capacités à faire le ménage, il n’y a pas trop de mal. »

Ouf ! Je n’ai pas perdu ma capacité à le taquiner sobrement… Jay et moi, c’est juste impossible. C’est mon parrain. Ça ne peut pas avoir lieu. Même si depuis toujours il est l’image du prince charmant de mes histoires de petite fille, il ne peut être plus. Nous sommes de la même famille ; même si nous ne partageons pas le même sang. Qu’est-ce que les gens penseraient ? Enfin, il n’y a pas à poser cette question parce que de toute façon, rien de tout cela n’est possible. Un jour, Jay retrouverait quelqu’un qui l’aimera réellement, et pas comme Caitlinn dont le poids de la trahison a fait peser une très lourde tension au sein de notre famille. Mais à l’idée que le jour où il ramènera une nouvelle femme, mon cœur loupe plusieurs battements et se met à cogner dans ma poitrine. La panique me gagne. Je ne veux pas qu’une telle chose arrive, et je me déteste de le penser parce que je n’ai pas le droit de l’empêcher d’être heureux.

La réaction de Jay quant au temps que je passe au téléphone avec Tyron me déconcerte et j’ose à peine songer que peut-être… il pourrait être jaloux ? Ce qui est totalement impossible, me dit mon esprit rationnel. Non, il n’est pas jaloux. Il est simplement le grand frère protecteur qu’il a toujours été, et qu’il sera toujours. Oui, c’est exactement ça : il ne s’agit de de ça. Et puis… il trouve vraiment que j’ai un joli petit cul ? Rien qu’à l’idée, j’en frissonne. C’est plus fort que moi. Je surréagis. Je ne devrais pas. Après avoir déposé la manette, je marche dans les pas de Jay pour le retrouver dans la cuisine. La main posée sur son bras, je lui explique qu’il n’a pas à s’inquiéter pour moi car Tyron n’est pas du genre à s’intéresser aux filles, mais plutôt aux hommes. Ma révélation a le don de calmer aussitôt mon parrain qui lâche un petit rire nerveux une fois la surprise passée. Je lui offre un petit sourire avant de déposer un baiser sur la joue et lui affirme que personne ne s’intéresse à mon joli petit cul, comme il l’a si bien dit. Et puis soudainement, je me retrouve plaquée contre son torse dénudé, ferme et chaud. Je cesse presque de respirer tandis qu’il me maintient contre lui, s’excusant. Ma visage se lève vers le sien, croisant ses cérulées on ne peut plus sérieuses malgré l’humour qu’il met dans le son de sa voix. Je me noie dans son regard, ses paroles faisant lentement sens dans mon esprit et puis ses lèvres contre mon front déclenchent un frisson qui descend le long de mon échine. Je devrais me décoller de lui, tout mon bon sens me le hurle, mais mon corps, lui, refuse tout bonnement de quitter la chaleur de ses bras. Il réagit même à son contact et je sens poindre en moi un désir qui ne devrait pas exister. Dans quoi suis-je en train de m’embarquer ?

« Tel que je te connais, tu serais capable de rameuter Jenna. »

Sauf que je ne veux pas le partager avec elle. C’est sa sœur, et c’est la mienne aussi dans mon cœur, mais j’aime l’idée d’avoir Jayden rien que pour moi ; que ce soit juste lui et moi. C’est tellement grisant…

J’avais toujours vu Lizzie comme une petite sœur. Elle et Jenna étaient mes petites sœurs que je devais protéger, envers et contre tous. Depuis la naissance de Jenna, en passant par celle de Lizzie, jusqu’à maintenant, je me sentais très protecteur quand il s’agissait d’elles.
Mais je devais être honnête, depuis quelques temps, quelque chose avait changé dans ma façon de voir Lizzie. Aujourd’hui, quand je plongeais mes yeux dans son regard bleu, je m’y noyais, je me perdais… Quand je la voyais dans son pyjama, il m’arrivait d’imaginer qu’elle se réveillait dans mes bras, dans notre lit… Je lui embrassais le front puis les lèvres avant de me nicher dans ses longs cheveux. Je la voyais se lever et sortir de notre chambre… Et puis, j’imaginais qu’elle s’endormait chaque nuit dans mes bras. Et quand j’allais plus loin… Je me voyais l’embrasser avec passion, elle me retirait mes vêtements pour… Ouais bon, bref, si je continuais de m’aventurer sur ce terrain, mini-moi allait se mettre au garde à vous. Mais il était hors de question que je commence à… Non, ce serait comme insulter Lizzie et trahir la mémoire de son père.

« Oh ça va, je ne suis pas si nul… » dis-je en riant.

Bien sûr que j’étais nul, je le savais, elle le savait, nous le savions tous ! Mais mon égo en prenait en coup, il fallait bien que j’essaye de répliquer comme je pouvais. Même si ma réplique était ridicule, mais au moins, je ne me laissais pas marcher sur les pieds. Non mais oh !
Quand Elizabeth avait parlé de Tyron… Disons que j’avais vu rouge. Et pas seulement parce que je ne voulais qu’un homme s’approche de lui. Non, je le savais au fond de moi que c’était parce que j’étais jaloux. Jaloux qu’un autre puisse faire ce que je ne pouvais lui faire que dans mon imagination. Sauf que ce n’était pas normal que j’ai ce genre de pensées. Il y avait tellement de choses qui entraient en compte… Le lien qui nous unissait, la différence d’âge, mon passé compliqué… Oui, mon histoire avec Caitlinn était un gros problème. J’avais beaucoup de mal avec le mensonge et les cachotteries. Et depuis sa trahison, je n’arrivais plus à faire confiance… Mais peut-être qu’avec Lizzie, tout serait différent… Et voilà que je recommençais à me faire des films.
Une fois dans la cuisine, Lizzie avait réussi à me calmer. Ok, Tyron était gay et serait plutôt tenté par moi que par Lizzie. Je n’avais pas pu me retenir de lâcher un soupir de soulagement. Je lui déposais un baiser sur le front, je m’y attardais plus que je n’aurais dû. Je ne devais pas la garder aussi près de moi alors que j’étais torse nu mais sentir sa peau contre la mienne me réchauffait et m’apaisait… Alors même que mon cœur battait à la chamade contre ma poitrine. L’une de mes mains remonta le long de son bras… Je voulais prendre son visage et l’embrasser… Mais je laissais retomber ma main. Je ne pouvais pas faire ça, je me faisais l’effet d’être un pervers profitant de la situation. Lizzie était encore vulnérable, la mort de son père planait encore. Ce que je faisais, c’était indécent.

« Oh oui, je la ferais venir ! Deux femmes qui me feront à manger… Le rêve ! » dis-je avec un air rêveur.

En réalité, je n’aurais pas pu ramener Jenna. Elle nous connaissait par cœur, et je me doutais qu’elle verrait dans mes yeux que j’en pinçais pour Lizzie. M’expliquer reviendrait à avouer ce que je ne voulais pas dire à voix haute. Sinon, ça serait rendre tout ça réel. Et je ne pouvais pas.
Alors que je me penchais pour lui embrasser la joue, Lizzie tourna la tête et le drame se produit. Nos lèvres se retrouvèrent scellées dans un baiser. J’aurais dû m’écarter, la repousser… sauf que je ne le voulais pas. Je n’y arrivais pas… ses lèvres étaient si douces. Je voulais laisser ma langue allait caresser la sienne, laisser la chaleur qui s’était installée m’envahir. Mais, je revins à la raison. Ou peut-être que Lizzie, choquée, s’écarta. Ou c’était peut-être moi, je ne savais pas. Je sentais mes joues rougirent comme un ado timide. Et merde !

« Lizzie, je suis désolé… euh, je ne sais pas… excuse-moi… »

Je n’osais même plus la regarder tant j’étais gêné. Gêné d’avoir pris autant de plaisir à sentir ses lèvres contre les miennes… j’avais envie de recommencer, de la serrer contre moi…

Dans l’absolue, je suis totalement pour la répartition des tâches ménagères au sein d’un même foyer. Il n’y a pas de raison que ce soit toujours la femme qui fasse à manger et le ménage quand l’homme est tout aussi capable de faire la même chose ! Disons simplement qu’il s’agit d’une question d’éducation ! Taquiner Jay quant à ses capacités à faire briller une pièce du sol au plafond est facile. Élevé lui aussi par mes parents, il a participé aux corvées, comme tout le monde. Et d’autant plus quand maman est partie du jour au lendemain… Il fallait bien aider papa qui passait ses journées à la salle de boxe, et il était le plus grand de nous trois. Je me souviens de son premier essai culinaire… papa avait tout mangé sans se plaindre une seule seconde, alors que Jenna et moi grimaçions rien qu’à regarder le contenu de notre assiette. Papa nous avait fait une belle leçon ce jour-là : “ce n’est peut-être pas le meilleur repas au monde, mais il a été fait avec le coeur et dans une bonne attention”. C’était un plat très simple : des pâtes à peine cuites et une tranche de jambon roulée avec une montagne de gruyère et … pas de beurre. Somme toute, rien de détestable, mais le goût était presqu’affreux.

— Ah ça… c’est toi qui le dis, continué-je en haussant les épaules, tout en laissant un petit sourire chafouin se peindre sur mes lèvres.

Les garçons ont toujours été un sujet sensible dans cette famille. Ou plus généralement tout ce qui tend vers le vaste sujet de la reproduction. Il fallait voir la tête de papa le jour où j’ai eu mes règles. Je ne l’ai jamais autant vu cafouiller de toute mon existence. C’est Jenna qui a été ma référente. Maman ayant été encore là lorsqu’elle-même a franchi cette étape de sa vie, c’est donc naturellement qu’elle m’a prise par la main pour m’expliquer comment mettre une serviette hygiénique dans ma culotte. Et ne parlons même pas des premiers petits copains. Le ridicule du discours de papa tourne encore parfois dans ma tête. Je me souviens aussi de la première fois que l’un d’entre eux a frappé à la porte pour m’accompagner au lycée. Je n’ai jamais vu papa bomber autant le torse que ce jour-là. Tout ça, je l’ai vécu comme si c’était normal, mais je n’aurais pas cru vivre un de ces instants avec Jay. Et je ne sais pas du tout si sa réaction doit me faire plaisir ou bien m’exaspérer… C’est perturbant. L’idée qu’il puisse être jaloux fait battre mon coeur à une vitesse presque folle avant que mon esprit me raisonne en me rappelant que Jay se comporte tout simplement comme le grand-frère qu’il est censé être. Et aussi qu’il en a fait de même pour Jenna. Je ne suis pas un être à part pour lui.

Rétablir la vérité concernant Tyron me semble cependant être la juste chose à faire, et je sais parfaitement que je fais cela uniquement pour le rassurer. C’est moi qui me fais des films parce qu’il y a une petite part de moi qui me souffle que Jay n’a pas besoin de l’être parce qu’il n’y a pas à s’inquiéter. Et pourtant, je ne peux pas empêcher mon corps de s’affoler lorsqu’il m’attire contre lui pour déposer un baiser sur mon front. Le contact de ses lèvres contre ma peau appose un tatouage dont je garde les sensations pendant plusieurs secondes. La chaleur de ses bras autour de moi, son torse nu offert à ma vue, sa fragrance musquée à mon nez qui m'enivre comme le meilleur des alcools… C’est si mal… Ça ne dure que quelques secondes, et j’ai pourtant l’impression que ça a duré une éternité entière. Et lorsque vient le moment de la séparation, je me rappelle alors comment respirer et bouger. J’essaie de faire comme si tout allait bien, et je rebondis sur le fait que Jayden pourrait très bien user de son statut de grand-frère pour faire emménager Jenna chez lui afin qu’on vive tous les trois sous le même toit sans qu’aucun homme ne vienne jamais briser nos coeurs si fragiles. Parce qu’un cœur brisé, Jayden connaît ça mieux que nous deux. Avec Caitlinn. Je ressens toujours autant de colère lorsque me revient en tête l’image de son visage. Je ne l’avais jamais beaucoup aimée. A peine appréciée. Cette femme me volait Jayden, quelque part, même si part raisonnable de mon esprit était tout à fait conscient que Jay ne serait jamais à moi, et qu’elle était tout bonnement parfaite pour lui. Mon entente avec elle avait toujours été cordiale. Sans plus. Alors qu’elle avait charmé Jenna et papa dès les premiers instants passés en sa compagnie. C’est la jalousie qui m’a fait me tenir distante. J’en ai bien conscience. Même si je n’ai jamais rien montré. A personne.

— Espèce de pacha ! je réplique en secouant la tête.

Sauf que sans comprendre ce qui se passe, je me retrouve soudainement la bouche collée contre la sienne. Dans un premier temps, mon cœur cesse de battre, et mes yeux s’écarquillent sous la surprise. Qu’est-ce que… ? Okay, ça n’a rien d’exceptionnel. Un béco comme qui dirait. Rien de sensuel, rien de passionné. Juste une légère pression de lèvres jointes. Et pourtant, je ne peux pas empêcher mon estomac de se tordre dans tous les sens et une nuée de fourmis qui le parcourt. Cela dure un temps fugace, un temps trop court quand Jayden se détache, presque tout aussi choqué que moi, et se confond aussitôt en excuse. Aussitôt, je reprends pied à la réalité, et je me rends compte que c’est en gigotant la tête que j’ai malencontreusement créé cette situation. Probablement souhaitait-il avoir accès à ma joue et en tournant la tête, je lui ai offert une toute autre partie de mon visage.

— C’est pas grave, je m’entend répondre alors que toute mon âme me hurle : “encore !”.

Je lui offre un léger sourire, espérant détendre un peu l’atmosphère soudainement pesante de gêne. Je recule un peu et ajoute :

— Y’a pas de mal. C’était un accident, hein ? On aura vu pire.

Quand j’avais proposé à Lizzie de venir vivre avec moi, je n’avais pas prévu que j’aurais des sentiments naissants pour elle. En fait, je voulais simplement accueillir ma sœur adoptive afin qu’elle ne soit pas seule pour vivre le deuil de son père. J’avais moi-même du mal à le vivre seul… plus encore, je ne savais pas vivre seul. Toute ma vie, j’avais vécu entouré de personnes. Mes parents biologiques et ma sœur, ma famille adoptive, Caitlinn… Et puis, je devais l’avouer, je m’en voulais toujours. Le père de Lizzie était décédé alors que je combattais dans une autre ville. Il m’avait défendu d’y aller mais j’avais décidé de n’en faire qu’à ma tête… A ce moment de ma vie, je me sentais complètement perdu. Je venais de quitter Caitlinn, je me sentais déboussolé. Je voulais simplement me plonger dans les combats pour oublier, ne plus réfléchir, ne plus ressentir cette douleur sourde… Mais je ne savais pas que je vivrais une douleur bien plus intense, bien plus dure. Mon divorce avec Caitlinn n’était rien comparé à la perte de mon coach et père adoptif.

Lizzie avait emménagé avec moi. Au début, nous avions du mal à nous parler, chacun vivant son deuil de son côté. Je me sentais si coupable, que je n’osais pas regarder Lizzie. Et puis, petit à petit, notre relation retrouva sa complicité. Je recommençais à lui parler, à la taquiner, à rire avec elle. Sans que je ne m’en aperçoive, mes sentiments changèrent. Ce n’était plus juste l’envie de la protéger, je le sentais que je devenais jaloux quand un garçon s’approchait d’elle. Je ne la regardais plus comme avant, ce n’était plus la petite fille que j’avais vu grandir. C’était à présent une belle jeune femme, qui devait attirer les garçons de son âge… Et moi, ça me foutait la rage. D’une certaine façon, je les enviais, ces petits cons. Ils avaient plus de chance avec Lizzie et moi, je devais me contenter de surveiller qu’aucun d’entre eux ne lui brise le cœur.

Quand elle me traita de pacha, je me contentais de hausser les épaules en souriant. Si je pouvais profiter de la situation, je ne me gênais pas. Un peu avec ce qui venait de se passer. Bien sûr, ce geste n’était absolument pas volontaire. Non pas que je ne le veuille, bien au contraire. Simplement, je respectais beaucoup trop Lizzie et la mémoire de son père pour me permettre de l’embrasser. Pourtant, ça ne m’empêchait pas de savourer la douceur de ses lèvres. J’aurais voulu prolonger cette étreinte si brève. Malheureusement, ce n’était envisageable. Je m’étais écarté comme si j’avais été électrocuté… ou comme un gamin surpris par son père en train de faire une bêtise. Pourtant, ce n’était rien qu’un baiser, un baiser chaste, sans aucune ambiguïté. Mais ça ne m’empêchait pas de me sentir coupable… surtout que j’y avais pris du plaisir… Mais j’aurais tellement aimé avoir plus, la sentir contre moi, ses cheveux caressant mon visage, son parfum enivrant mes sens… Une douche froide, voilà ce dont j’avais réellement besoin.

« Ouais, un accident…, dis-je en me passant la main derrière la tête. Je… Je crois que je vais aller prendre une douche. »

Pas besoin qu’elle sache que je pensais à une douche qui allait m’aider à faire redescendre la pression sanguine du bas de mon corps. Heureusement que j’avais un jean et pas un de mes joggings… Disons que la bosse aurait été plus compliqué à cacher.
Je lui fis un sourire avant de m’approcher d’elle. Je glissais ma main autour de sa taille avant de la ramener contre moi. Je lui embrassais le front, c’était bien plus sûre que de l’embrasser sur la joue. Malgré tout, j’aimais la sensation de son corps trouvant sa place contre le mien. Oui, Lizzie était tout à fait à sa place contre moi.
Bien trop rapidement à mon goût, je la lâchais avant de sortir de la cuisine. Alors que je rentrais dans la salle de bains, mon regard se posa sur ma sortie de bains… en train de sécher. J’avais déjà pris ma douche en rentrant de ma course. Je soupirais, les poings sur les hanches… Ma fuite n’était plus très crédible à présent. Je m’avançais vers le lavabo et entrepris de me passer un peu d’eau froide sur le visage. Bordel, Lizzie me plaisait vraiment… J’étais vraiment dans la merde.