Des retrouvailles non préméditées ▬ feat Anaeli

Je ne sais pas pourquoi mais Elliott a toujours eu cet effet apaisant sur moi. Même alors que j’étais en couple avec Darren, c’était auprès de lui que j’allais chercher un peu de réconfort et de douceur. À aucun moment, Elliott n’avait tenté quoi que ce soit. Il n’avait jamais eu de paroles ou de gestes déplacés. Il avait toujours respecté ma situation, le fait que je sois en couple et surtout, il me respectait, moi. Il respectait la personne que j’étais et ça, c’était ce qui m’avait toujours attiré chez mon voisin… en plus, qu’il soit très agréable à regarder. Elliott devait en avoir conscience. Il devait savoir qu’il était beau, capable de faire tourner les têtes sur son passage. Pourtant, il ne semblait pas profiter de cet avantage. Pas avec moi, en tout cas. Il était lui-même, naturel, sans artifices. Et j’adorais ce sentiment de pouvoir être moi-même à ses côtés.

Elliott n’insista pas, il me laissa le temps de revenir au moment présent. Je l’en remerciais. Quelqu’un d’autre aurait pu se montrer intrusif en essayant de savoir ce qui causait mes larmes et mon tourment. Cette personne aurait pu se montrer pressante en me servant les fameuses phrases que l’on sortait quand une personne se sentait mal : ça va aller, tout va s’arranger et puis il y a pire que soi. Mais Elliott conservait sa patience, attendant que je reprenne mes esprits. Je pensais être prête, je pensais que j’avais réussi à me blinder face à la souffrance que j’avais vécu, mais ce n’était visiblement pas le cas. Perdue dans mes souvenirs, j’avais senti les tremblements dans mes mains, mes yeux s’étaient retrouvés baignés de larmes. Je luttais contre la vague de tristesse qui m’avait soudain envahi. Je ne voulais pas gâcher ces retrouvailles à cause de mes souvenirs douloureux. Suivant son conseil, je séchais mes yeux, gardant mes perles salées pour une personne qui les mériteraient vraiment. Non pas que je voulais pleurer de tristesse. Je voulais pleurer de joie, de bonheur. Ça, c’était des larmes qui méritaient de couler. J’avais déjà trop pleuré sur mes souvenirs et sur ces instants que j’avais vécu. Pleurer pour Darren ne serait qu’une perte de temps… pendant que je me laissais aller à la peine qui enserrait mon cœur, mon ex continuait tranquillement sa petite vie. Peut-être qu’il avait une nouvelle petite amie à rabaisser. Je n’avais pas le droit de laisser ma vie pour ce type horrible qui m’avait fait tant de mal.
Je décidais plutôt de concentrer sur l’homme qui me faisait face. Et d’après ces dires, il cherchait un travail. Je me renseignais pour savoir s’il cherchait dans un domaine en particulier mais il me répondait négativement. Je savais qu’Elliott avait la particularité de s’adapter quelque soit la situation dans laquelle il était. Une chance pour lui, travaillant dans une librairie située dans un centre-commercial, je pouvais avoir quelques tuyaux, si un magasin recrutait.
Je fronçais les sourcils dans une expression pensive. Avais-je vu une affiche mentionnant une recherche d’employé ? Je n’en étais pas sûre, il fallait que je demande autour de moi… enfin à mes collègues. Je finis par lui dire :

« Je ne pourrais pas te dire tout de suite si les magasins recrutent ici, mais je demanderais. Et si j’ai la moindre info, je te tiendrais au courant. »

Je lui offris un sourire quand je pris conscience d’une chose importante. Je n’avais plus son numéro. Quand j’avais quitté San Francisco, je m’étais débarrassée de mon ancienne puce et entre temps, j’avais changé mon téléphone. Je n’étais plus sur les réseaux sociaux. Je n’avais donc aucun moyen de le contacter.

« Il me faudrait ton numéro. Enfin, sauf si ça te dérange, tu peux toujours repasser à la librairie, ça ne me dérange pas. »

Je ne voulais pas lui donner l’impression de tenter une approche. Je préférais lui laisser l’impression d’être son ancienne voisine qui lui rendait service sans arrière-pensée plutôt que d’avoir l’air de la nana qui tentait par tous les moyens d’obtenir son numéro. Je l’aidais par amitié, c’était sincèrement fait par attachement. Pas pour qu’il se sente redevable de quoi que ce soit. Et puis, s’il revenait à la librairie, ça me donnerait une occasion de sourire parce que j’en avais envie et non pas parce que mon contrat de travail stipulait que je devais être aimable et accueillante auprès des clients.

Je vivais à New-York depuis un petit moment maintenant, j’avais mes habitudes et mes petites routines. Bien que je me tienne à l’écart des autres, j’avais quelques connaissances grâce à mes études et mon travail. Travailler dans le commerce me faisait rencontrer du monde, certains des clients, d’autres étaient les commerçants aux alentours. Alors si je pouvais lui rendre service, je n’allais pas hésiter. Elliott avait toujours été si gentil et prévenant avec moi. Quand j’allais mal, je savais que je trouverais en lui une oreille attentive et compatissante. C’était donc tout naturellement que je lui proposais mon aide. Avec un sourire sincère, je lui dis :

« C’est normal, Elliott… »

Mais j’avais noté que nous n’avions aucun moyen de communiquer. Je n’avais plus son numéro et je n’étais plus sur les réseaux sociaux. Je ne voulais plus avoir le moindre contact avec mon passé… Enfin, Elliott était l’exception à la règle. Quand il me tendit alors son téléphone, je le pris, les mains légèrement tremblantes. J’allais lui demander le code de son téléphone quand je constatais qu’il n’y en avait pas. Je fus surprise de me retrouver face à un téléphone aussi facile d’accès, c’était si rare de nos jours ! J’avais un code de verrouillage sur mon téléphone, une habitude que j’avais eu suite à ma relation avec Derren pour l’empêcher de fouiner dans mon portable… Lui aussi avait bloqué l’accès à son téléphone. Je l’avais soupçonné de me tromper mais sans preuve… Le fait qu’Elliott n’ait aucun code n’aurait, cependant, pas dû m’étonner. C’était tellement dans son caractère. Elliott était un homme simple et ouvert, pourquoi s’encombrer d’un code, surtout lorsque l’on avait rien à cacher ? Rapidement, je tapotais mon numéro et l’enregistrais dans son répertoire. Puis je me bipais moi-même avant de lui rendre son smartphone. En le voyant bafouiller, l’air aussi mal à l’aise que je l’étais, je ne pus m’empêcher de le trouver adorablement mignon. J’avais envie de le prendre dans mes bras.

« D’accord… je t’écrirais, même si ce n’est pas pour le travail… ce serait sympa de rattraper le temps perdu.» lui dis-je d’une petite voix timide, sans oser le regarder.

Je sentais mon coeur s’accélérer légèrement, mes joues rougirent à l’idée  de pouvoir renouer ce lien avec Elliott. Il m’était souvent arrivé de penser à lui après mon départ de San Francisco. Je me demandais s’il allait bien, s’il vivait toujours dans l’immeuble que nous partagions… Mais maintenant qu’il était devant mi, c’était comme si un morceau manquant avait retrouvé sa place.
Des sentiments contradictoires se mélangeaient dans ma tête : la joie des retrouvailles, la tristesse des souvenirs qui planaient encore au dessus de ma tête et l’excitation de ce nouveau départ pour nous deux. J’avais l’impression d’avoir attendu sa venue pour enfin pouvoir vivre normalement… Je me promis alors de lui envoyer un message plus tard dans la journée, juste pour discuter, rien de sérieux ou de compliqué. À présent, je pouvais discuter de tout et de rien avec lui, sans me sentir coupable. J’étais célibataire, seule, sans personne pour me juger…

« Et si tu as besoin, n’hésite surtout pas à m’appeler. Que ce soit pour le travail ou juste pour parler… »

C’était tout moi. Il y avait encore quelques minutes, j’avais les larmes aux yeux à l’évocation de mon passé mais je lui tendais la main pour lui offrir mon aide. Je ne pensais pas à moi, à mon état psychologique ou physique. Mais j’étais prête à l’aider s’il avait besoin. C’était Elliott, mon voisin pour qui j’avais toujours eu un petit coup de coeur. Je m’étais toujours retenue par respect pour nos partenaires respectifs. Aujourd’hui nous étions célibataires, je pouvais peut-être espérer un peu plus que de l’amitié… J’étais venue à New-York pour m’éloigner de mes erreurs passées, pour ne plus voir le mépris des personnes qui m’entouraient. Je pensais qu’en venant ici, je ferais pénitence. Je m’étais forcée à rester seule, à m’éteindre et expier mes fautes loin de tout. Mais face à Elliott, je ne pouvais pas continuer à m’infliger cette souffrance. Je voulais rester près d’Elliott, le retrouver… et peut-être plus…