un contrat pour un avenir meilleur ? [pv montana]

Montana & Anna

Montana faisait ses comptes de la journée. Elle aurait pu se payer les services d’un comptable véreux mais il y avait une chose qu’elle avait apprit : ne jamais laisser un homme faire ce qu’une femme peut accomplir. Et puis, la jeune femme détestait perdre de l’argent, pourquoi payer quelqu’un pour quelque chose qu’elle pouvait faire ? Elle n’avait ni chauffeur, ni femme de ménage. Elle n’avait même pas de garde du corps, elle n’avait confiance en personne. Elle partait du principe qu’une personne décidée à la buter trouverait toujours le moyen de le faire. Une fusillade, un coup de couteau, du poison, une explosion, bref tuer était bien plus simple que ce que l’on pensait. Elle assurait sa propre protection et si elle devait mourir… Qu’il en soit ainsi, la mort ne l’effrayait pas. En même temps, si quand on était à la tête d’un réseau de drogue et de prostitution, il fallait s’attendre à ce qu’une personne ambitieuse ou stupide tente de prendre votre place. Elle-même avait dû tuer pour se faire une place.

En tant que femme, son rôle au sein de ce genre d’organisation était… disons, limité. C’était un milieu d’hommes et pour eux, il n’existait que deux catégories : les putes et les saintes. Montana avait décidé qu’elle ne serait aucune des deux, elle voulait être la patronne, point final. Elle avait prouvé à tous ces connards imbus de leur personne qu’elle pouvait être bien meilleure qu’eux. Aujourd’hui, elle gérait la distribution dans New-York. C’était son territoire et personne ne pouvait vendre sans passer par son réseau. Tout rebelle était éliminé sans sommation. La dure loi de la rue.

La baronne s’étira, levant les bras au-dessus de sa tête en baillant doucement. Un bon bain et une bonne nuit de sommeil, voilà ce qu’elle voulait. Elle n’avait pas à se soucier de ses filles qui bossaient la nuit. Elle savait qu’elles feraient leur travail, et bien. Contrairement aux hommes, Montana ne taxaient pas ses filles avec des sommes si énormes qu’elles n’avaient plus rien pour vivre. Elle voulait que ses filles soient les plus belles et les plus attrayantes possibles. Donc, elle ne prenait qu’un petit pourcentage, ce qui leur laissait bien assez pour vivre, payer leur facture et acheter tout ce qu’il leur fallait pour attraper dans leur filet les hommes qu’elles croisaient. Soyons honnêtes, avec ce qu’elle gagnait avec la drogue, pourquoi ruiner ces femmes ? Après tout, elle aurait pu être à leur place !

La jolie colombienne rangea ses différents papiers puis éteignit les lumières de son bureau, après avoir vérifié que tout était en ordre et verrouillé. Elle enfila sa doudoune, tout en marchant dans son salon de massage, qui servait de couverture pour les passes de ses filles. Certaines ne pouvaient pas se permettre de se balader dans la nuit. Un homme violent qui les tuerait s’il les voyait faire le tapin, la peur de la police ou simplement l’envie d’horaires de jour. Montana s’en foutait, tant qu’elles bossaient. Une fois sa doudoune enfilée et fermée, elle noua ses cheveux à-la-va-vite en chignon.
Dans le calme de son salon, ses cuissardes à talons claquaient et faisaient un bruit monstre. Mais qu’est-ce qu’elle adorait ce son ! Devant la porte, elle revérifia qu’elle avait tout : son sac, check. Son portable, check. Ses clés, check. Son portefeuille, check. Son glock, check. Elle sortit pour affronter le froid, son ennemi juré. C’était dans ces moments que le soleil de la Colombie lui manquait.

Montana habitait à quelques rues de son salon, donc elle ne prenait jamais sa voiture. Marchant dans les rues, elle décida de faire un détour. Plutôt que de rentrer tout de suite chez elle, la baronne décida de quitter le quartier du Bronx pour celui du Queens. Deux quartiers aussi pauvres que rivaux. Beaucoup disaient qu’il valait mieux éviter de se balader dans ces rues après la nuit tombée. Mais quand on grandissait dans les favelas, plus rien ne vous faisait peur. Elle était armée et savait très bien se servir de son arme. Allez demander à son ex mari qui repose six pieds sous terre…

Alors qu’elle s’avançait dans une rue, Montana repéra une prostituée. A force de travailler avec elle, elle savait les reconnaître. Et puis, ce n’était pas difficile, une femme, très peu vêtue malgré le froid, attendant dans la rue… Plus elle se rapprochait, plus elle se dit que cette pauvre femme ne trouverait jamais de clients. Il faisait bien trop froid et elle avait l’air malade ! Bon, allez, elle pouvait tomber sur un mec désespéré ou un tordu avec des fanstasmes étranges… Montana savait que ce n’était pas une de ses filles. Jamais elle ne l’aurait laissé sortir dans cet état. Quitte à payer leurs frais de santé, elle préférait avoir des filles en bonne santé ! D’où les tests de dépistage et l’usage de préservatif qu’elle leur imposait ! Elle refusait tout bonnement qu’un de ses clients se plaigne d’avoir été contaminé, à tort ou à raison ! Ce genre d’idiots saisissait la moindre occasion pour cogner sur les prostituées. Bah oui, vous ne saviez pas que les putes ne sont que des poupées qui ont l’air plus vraies que nature ? Il y avait également une autre raison… Aujourd’hui, les filles cherchaient la gloire et la richesse, donc elles se tournaient vers MYM ou encore OnlyFans. Pourquoi faire le trottoir quand on peut juste envoyer une photo de ses pieds et gagner 1000$ ou plus ?
Si l’une de ses filles partaient, il fallait la remplacer et c’était de plus en plus compliqué. Même s’il y avait toujours des filles prêtes à vendre leurs corps dans la rue, ce n’était plus aussi répandu.

Alors qu’elle s’approchait, Montana vit que la jeune femme tremblait. Elle l’aurait presque entendu claquer des dents tant elle avait froid. Soudain, un élan de pitié la traversa. Bon, il n’y avait pas que de la pitié. En réalité, Montana avait vu quelque chose chez cette femme. Elle était bien plus belle que son état actuel. Hors de question de rater l’occasion d’avoir une nouvelle fille qui lui ramènerait de nouveaux clients ! Elle s’arrêta alors devant elle et lui demanda sans détour :

“ Tu prends combien pour une heure ?”

Quand la femme lui répondit, Montana fit un sourire. Quel rabais ! Elle ouvrit son sac, sortit une liasse et lui tendit la somme pour une heure avant de lui dire :

“Viens, on va chez moi. Et je peux te promettre que ça, dit-elle en désignant les billets, ce n’est rien comparé à ce que je peux te donner.”

La baronne avait conscience qu’elle devait ressembler à une espèce de diable promettant monts et merveilles, sans expliquer qu’il y avait une contrepartie. Elle savait aussi que la jeune femme serait sur ses gardes. Après avoir vécu un moment dans la rue, elle avait apprit à ne jamais accorder sa confiance trop facilement. Mais avec de l’argent, c’était toujours plus facile d’attirer les gens. Alors, elle attendit de voir si la jolie brune la suivrait ou non.

Montana n’était pas à la recherche de prostituées. Elle avait déjà son équipe, si on pouvait dire. Mais elle savait une chose, il suffisait d’un petit ami jaloux ou d’une prise de conscience pour que son employée disparaisse sans laisser de trace. Parfois, la drogue emportait aussi une de ses filles. Ce métier était sans pitié, l’un des plus cruel qu’il soit. Il ne pardonnait aucune erreur. Ses sanctions étaient sans appel. Et lorsqu’une prostituée abandonnait la partie, d’une manière ou d’une autre, le patron ne recevait aucune lettre de démission. Elle laissait simplement sa place vacante pour la prochaine paumée qui tomberait dans les filets de la rue et sa dure loi. La baronne avait décidé de choisir un chemin légèrement différent. Elle ne voulait pas juste donner son corps pour de l’argent. Elle avait conscience qu’elle vieillirait et ne pourrait plus encercler. Elle avait donc opté pour une solution qui ne lui demanderait pas d’être jeune et jolie. Bien sûr, ces deux facteurs servaient bien ses intérêts. Mais quand elle serait un peu plus vieille, que les rides marqueraient sa peau, elles seraient un gage de maturité et de longévité en tant que baronne de la drogue. Griselda Blanco avait géré un empire et pourtant, on la prenait souvent pour une gentille grand-mère latina. Montana comptait bien faire mieux qu’elle. À la différence qu’elle ne se ferait pas prendre comme la Madrina. Plutôt mourir ! Elle avait déjà tout un plan en tête. Elle savait quoi faire dans tous les cas de figure qui pourraient se présenter à elle. La baronne refusait tout effet de surprise. Aucun imprévu n’était toléré.

Alors qu’elle s’avançait dans les rues froides de New-York, la jeune colombienne repéra une prostituée attendant désespérément de pouvoir faire une passe. Mais avec le froid qui sévissait, elle doutait fortement qu’elle trouve un client. Montana se dit que la jeune femme devait au mieux travailler pour elle-même, au pire travailler pour un macreau. Aux yeux de Montana, il n’y avait rien de pire qu’une prostituée aux ordres d’un homme. Souvent, les mecs n’avaient aucun scrupules à maltraiter les filles qu’ils balançaient dans la rue. Si un client levait la main sur elle, il n’était pas rare qu’il ne soit pas sanctionné. Les rares qui le faisaient, ce n’était pas par empathie. C’était surtout parce que le client avait amoché le joli minois de la prostituée ou l’avait si durement tabassé qu’elle avait fini dans un hôpital. Et qui devrait régler les frais ?

Quand elle fut à sa hauteur, Montana remarqua son mouvement de recul, comme si elle tentait de se protéger par habitude. Ce petit mouvement n’aurait pas sauté à l’œil du premier venu mais Montana le vit. Elle se demanda intérieurement combien de fois avait-elle été maltraité par des passants, la méprisant et la jugeant ? Elle lui demanda son tarif pour l’heure, quand elle lui indiqua la somme, la baronne, sans aucune hésitation, ouvrit son sac pour extirper la somme. Elle lui tendit une liasse sans même compter. L’argent sale se dépensait plus facilement que celui durement acquis. Elle lui fit alors la promesse que si elle la suivait, elle gagnerait beaucoup plus. Instinctivement, la jeune femme se braqua. Il y avait forcément un coup tordu qui se tramait. Elle savait que rien n’était gratuit, ici, dans les bas fonds de New-York. Montana ne s’en offusqua pas. Elle lui offrir un sourire, qu’elle espérait rassurant avant de lui répondre :

« Aucune arnaque et je ne suis pas cliente, si c’est ce que tu penses. Simplement… je connais bien ton activité et je peux t’aider à gagner plus. »

La baronne se tourna légèrement et pointa du doigt son salon.

« Tu vois ce salon ? Il m’appartient. Il propose des massages et des services plus… ciblés. Si tu viens chez moi, je t’expliquerais mieux en quoi consiste mon activité et ma proposition. Il fait trop froid pour rester dehors. »

Montana attendit patiemment que l’information fasse son effet. Qu’elle accepte ou non ne changerait rien à la vie de la jeune colombienne. Elle continuerait son chemin. Peut-être qu’elle la recroiserait et si elle changeait d’avis, la macrelle l’accueillerait. Mais jamais elle ne forçait les filles à travailler pour elle. Ce n’était pas l’objectif de la jeune femme.

La jeune colombienne observa la prostituée. Elle était plutôt jolie, malgré ses joues rosies par le froid. Elle sentait en elle une certaine vulnérabilité, cachée sous une couche de résignation et de force peu commune. Montana se sentit prise d’une volonté de l’aider, de la prendre sous son aile. Les rues étaient dangereuses, surtout pour une femme. À tout moment, un homme pouvait surgir et l’agresser. Beaucoup de serial-killers s’en prenaient aux prostituées. Elles étaient seules, vulnérables et personne ne les attendaient chez elles. Souvent, elles fuyaient leurs familles pour la rue et la drogue, alors si elles disparaissaient, il s’écoulerait un moment avant que quiconque ne le remarque. Montana essayait, à sa façon, de leur venir en aide. Elle leur tentait de leur offrir une certaine sécurité. En travaillant dans son salon, elles n’avaient pas à sortir dans la nuit ténébreuse pour trouver leurs clients. Montana ne leur pompait pas tous leurs revenus. Elle prenait un petit pourcentage et le reste, les filles en faisaient ce qu’elles voulaient. Ses plus grosses rentrées d’argent ne venait pas du sexe tarifié mais plutôt de la vente illicite. Elle pouvait donc se permettre de se montrer plus généreuse avec les filles qui bossaient pour elle.

Face à la jeune femme, Montana lui offrit un sourire rassurant. Elle savait que la rue l’avait rendu méfiante. Une femme qui lui offrait autant d’argent sans rien demander en retour, à part la suivre chez elle. C’était forcément suspect. Elle ne pouvait que se demander pourquoi lui offrait-elle cette somme. Mais ce n’était pas totalement désintéressé. Montana n’était pas Mère Theresa, bien sûr qu’elle lui offrait une main tendue mais elle attendait quelque chose en retour. Bien sûr, si la jeune femme refusait son offre, Montana ne reprendrait pas son argent. Elle n’était pas aussi dure. La jeune femme lui expliqua, dans les grandes lignes, qu’elle était propriétaire d’un salon de massage. Son doigt manucuré le lui avait désigné. Et c’est tout naturellement que la jeune prostituée lui avait répondu ne pas savoir masser. Montana eut un petit rire. Sa couverture marchait à merveille, si de l’extérieur la population pensait réellement que c’était un salon offrant ce type de prestation. Les… finitions étaient un extra que les autorités ne devaient pas connaître.

« Tu apprendras vite… » lui répondait-elle.

Quand enfin la jeune femme accepta de la suivre, elle lui fit signe et ensemble, elles se dirigèrent vers chez elle. Le chemin se fit rapidement, dans un silence que seules leurs chaussures à talons brisaient à chacun de leurs pas. Une fois qu’elles pénétrèrent l’appartement de la colombienne, cette dernière retira son manteau et se débarrassa de ses chaussures. L’invitant à entrer, elle lui dit :

« Fais comme chez toi, mets-toi à l’aise… comment tu t’appelles ? »

Montana ne savait pas comment la jeune femme s’appelait. Il faut dire qu’elle avait d’abord commencer par l’appâter avec de l’argent. Non pas qu’elle se passait des détails, simplement, elle attendait d’être sure que la jeune femme serait intéressée. Puis, elle l’entraîna avec elle dans le salon. Elle se laissa tomber avec grâce sur le canapé avec un soupir de contentement. Il n’y avait pas à dire, le retour chez soi était le meilleur moment de la journée. Elle tourna la tête vers la prostituée.

« Si tu veux manger ou boire, n’hésite pas, sers-toi. Je vais t’expliquer en même temps ma proposition. Comme tu le sais, je tiens un salon de massage. Mais l’établissement offre des extras. Certains clients veulent plus qu’un massage… il faut faire les… finitions. Ce que tu gagnes dans la rue, je peux t’offrir le double, et même plus. Je ne prends que 10% sur tes revenus. Je te fournis un toit et les soins médicaux. Tu gères tes clients comme tu le souhaite, ça ne me regarde pas. C’est pas moi qui doit me faire baiser… et j’ai un autre business à gérer. »

Montana lui laissa le temps de réfléchir à ce qu’elle venait de lui dire. Elle ne lui précisait pas qu’elle ne fournissait pas à toutes les filles un toit. Certaines avaient ce privilège car elles étaient à la rue ou tentaient de fuir un compagnon violent. Mais chez la femme qui lui faisait face, Montana ne put s’empêcher de se demander si elle aurait eu son cran. Tapiner en plein hiver new-yorkais… il fallait le faire. Ici, le froid ne faisait aucun cadeau. Les plus faibles n’en réchappaient pas. Ils mourraient dans une ruelle, oubliés de tous. C’était la première fois qu’elle rencontrait cette prostituée. Elle en avait vu passer mais celle-ci avait, dans son regard, une force et une détermination que la jolie colombienne n’avait pas vu depuis longtemps. Alors à sa façon, elle voulait lui venir en aide. Et si pour ça, elle devait lui fournir le logement, elle le ferait. Après tout, elle connaissait les bonnes personnes…

La baronne de la drogue ne se gênait pas pour poser son regard marron sur la prostituée. Avant de l’embaucher, il fallait encore qu’elle soit sûre que la jeune femme soit attirante. Montana pensait qu’avec un peu plus de moyenne, elle serait sûrement plus attirante, plus belle. Il n’y avait qu’à voir ses beaux yeux verts. Mais travailler dans le froid n’aidait pas à montrer la beauté qu’elle cachait. Et la jolie colombienne savait qu’elle pouvait lui apporter ce qui lui manquait : l’argent, le nerf de la guerre. Convaincue qu’elle ferait une bonne recrue, elle lui proposa alors de la suivre afin qu’elle lui expose en détail son offre. Bien qu’elle sembla hésiter, la jolie brune finit par la suivre en silence. Sûrement par curiosité et l’appât du gain. Montana savait que l’argent attirerait la jeune femme. Elle se doutait bien que si elle était dans la rue par un temps glacial, ce n’était pas par pur plaisir !

Quand enfin elles atteignirent l’appartement de Montana, cette dernière retira son manteau et ses chaussures. Elle adorait porter des talons hauts mais quand elle les retirait, elle se sentait soulagée de ne plus les avoir aux pieds. Elle invita la jeune prostituée à en faire autant, se doutant qu’elle aussi devait avoir mal aux pieds. Contrairement à elle, Montana ne restait pas debout toute la nuit avec, même avec le froid.

« Enchantée, Anna. On m’appelle La Baronne mais appelle-moi Montana. »

La jeune femme refusait que ses filles l’appelle la baronne. Elle avait un nom et en était fière. D’autant plus que si elles l’appelaient la baronne, Montana avait l’impression de perdre toute humanité. Comme si elle n’était qu’une vague entité à l’identité mystérieuse. Et elle n’aimait pas ça… en tout cas pas avec ses filles. Comment pourraient-elles avoir confiance en une patronne aussi insaisissable que de la fumée ? La colombienne remarqua qu’Anna restait debout, comme si elle attendait son autorisation pour oser poser son derrière sur son canapé. Elle comprenait sa gêne. Alors avec un sourire rassurant, elle lui dit :

« Tu peux t’asseoir, tu sais ? Je ne vais pas te manger ! »

Quand elle s’assit, Montana lui exposa alors son offre : masser dans son club, fournir des extras en échange de quoi, elle assurerait sa protection en lui fournissant un toit, des soins médicaux et la possibilité de gérer sa clientèle comme bon lui semblait. Elle lui laissa le temps de réfléchir à la question. Puis elle lui posa une question qui laissa perplexe Montana. Elle pencha la tête sur le côté. Peut-être qu’elle s’était trompée sur Anna, elle ne voulait peut-être pas de son offre. Il y avait des prostituées qui préféraient être sur le trottoir. Au moins, ça leur permettait de garder chaque centime durement acquis pour elle-même. Elles avaient conscience que c’était un risque mais elles étaient prêtes à courir le risque. Sa voix s’éleva alors dans le silence du salon :

« Tu seras dans une boutique, oui. Mais tu seras en sécurité, au chaud. À minuit, tu seras dans ton lit, au lieu d’attendre qu’un client se décide à pointer le bout de son nez. Tu gagneras bien plus qu’en faisant le tapin dans la rue. Et puis… tous nos clients ne viennent pas pour le sexe. Certains veulent réellement un simple massage. Mais si tu n’es pas intéressée, je comprendrais. »

Montana observa la jolie brune. Elle demeurait une énigme à ses yeux. Comment s’était-elle retrouvée à se prostituer dans la rue ? Elle semblait plutôt jeune, où étaient ses parents ? Montana ne s’intéressait pas à chacune de ses filles. Seulement les plus intrigantes et Anna avait quelque chose qui titillait sa curiosité. Elle voulait comprendre les raisons qui l’avait poussé dans la rue. Ça ne venait pas de nul part. Et puis, dans le fond, elle avait envie de l’aider avec ses moyens à elle. En la regardant, elle se disait qu’elle aurait pu être à sa place, finir dans la rue, pour satisfaire le plaisir d’hommes inconnus. Et quand on était une prostituée sans protection, la vie ne faisait aucun cadeau. À tout moment, on pouvait se retrouver face à tellement de danger… elle posa alors une question à Anna.

« Tu as quel âge, Anna ? »

Montana ne cessait d’observer la jolie brune assise à côté d’elle. Elle semblait si jeune et fragile, mais c’était sûrement dû à la précarité. La baronne avait bien vu parmi les filles que beaucoup, avant de travailler pour elle, la pauvreté et la misère dans laquelle elles vivaient. Certaines n’avaient parfois pas de lieu où vivre. Quand elles travaillaient pour elle, les filles reprenaient soudainement des couleurs et prenaient du poids. Peut-être qu’Annabelle faisait partie de ces filles-là. Elle n’en savait rien mais le mystère qui l’entourait intriguait la belle colombienne. Et Montana comptait avoir le fin mot de cette histoire.
Quand Montana demanda l’âge d’Annabelle, celle-ci lui répondit dix-huit ans. Elle n’était même pas majeure dans cet état. Mais ça n’étonnait pas Montana. Elle avait vu de jeunes adolescentes de quinze ou seize ans se prostituer. Et puis, avec les nouvelles plateformes, vendre son corps n’était plus un problème. Plus besoin de parcourir les rues ou d’avoir un proxénète qui veillait au grain. Il suffisait de s’inscrire sur un réseau social et on pouvait commencer son activité de travailleuse du sexe. Pour autant, jamais Montana n’acceptait les filles de moins de 18 ans. Elle se refusait à nourrir les tordus qui fantasmaient sur les enfants. Elle était peut-être une baronne de la drogue et une proxénète mais elle gardait certains principes. On ne touchait pas les enfants et on ne cognait pas les femmes.

« Tu es jeune, Annabelle. Tu devrais être à la fac, pourquoi tu es dans la rue ? » lui demanda-t-elle avec douceur.

La jeune femme ne voulait pas la braquer. Montana ne la jugeait pas. Elle avait trente ans et la société attendait d’elle une vie qu’elle ne mènerait sûrement jamais. Se marier et pondre une ribambelle de marmots n’étaient pas dans ses objectifs de vie. Elle aurait très bien pu, elle aussi, aller dans une université, monter un business légal. Mais ça aussi, ce n’était pas dans ses objectifs. Elle avait commencé dans l’espoir de venger le meurtre de son frère jumeau. Une fois que cet objectif avait été atteint, elle avait décidé de continuer dans cette voie. Comme son frère, elle était entrée dans un gang. Mais, contrairement à d’autres filles, Montana avait toujours refusé de se prostituer. Elle savait qu’à ce niveau, jamais elle ne pourrait gravir les échelons. Au mieux, elle deviendrait la pute d’un boss. Mais son ambition était trop grande. Elle voulait être au sommet. Elle voulait le pouvoir, elle voulait diriger. Elle refusait de se soumettre à l’autorité d’une tierce personne, c’était elle la patronne et personne d’autre !

La jeune femme replia ses jambes sous ses fesses et se tourna vers Annabelle pour lui faire face et l’observer un peu plus attentivement. Bien sûr, elle semblait intimidée d’être un lieu inconnu, face à une femme qui s’imposait par sa présence. Montana eut alors envie de la prendre sous son aile. Pas seulement pour qu’elle travaille dans son salon de massage. Non, Montana voulait l’aider à gagner confiance en elle. La baronne était sûre d’une chose, Annabelle cachait un charisme et une prestance dont elle ne devait même pas avoir conscience. Peut-être même qu’elle pourrait la seconder. Montana était entourée d’hommes, son second, ses hommes s’occupant de l’argent, de la vente… elle avait fait ce choix par dépit car bien souvent les femmes pensaient que leur place était sur le dos, jambes écartées. Montana était la preuve vivante qu’une femme pouvait diriger un empire et tenir par les couilles tous les hommes sous ses ordres. La baronne aurait aimé être secondée par une femme car elle savait qu’une femme ne la sous-estimerait pas à cause de son sexe. Elle ne remettrait pas en doute sa capacité à diriger parce qu’elle était une femme.
Mais avant de la placer comme son bras droit, la jeune femme voulait voir ce qu’elle valait. Elle voulait être sûre qu’elle en valait la peine. Mais surtout, elle avait besoin de voir si la vie de prostituée lui convenait ou si l’idée d’être plus pourrait lui plaire…